samedi 29 mai 2010

La vie parisienne

Me voilà à Londres. Il fait beau et chaud, de moins en moins jour après jour mais on se raccroche à ce qu'on peut.

L'autre matin j'ai vu une voiture en accrocher une autre assez méchamment. Ça m'a rappelé à ma pauvre condition de Frenchie : je ne sais jamais de quel côté de la route je dois regarder pour traverser. Dans le doute je regarde toujours des deux, mais le reflexe prédominant demeure de regarder à gauche comme si les voitures roulaient à droite, alors qu'il faudrait que je regarde à droite car elles roulent à gauche.
C'est comme le cours de la livre par rapport à l'euro : impossible de me foutre dans le crâne que ça n'est pas la même monnaie, du coup je trouve tout soudainement très peu cher - ce qui n'augure rien de bon au vu de mes piètres qualités de fourmi.

Le week-end dernier avant de partir, mes amis m'ont fait l'honneur de leur présence et de leur humeur gaie dans la demeure familiale en banlieue, incidemment pourvue d'une piscine. Quelques piliers essentiels manquaient, mais le gros des troupes était là. J'y ai appris que les soirées de départ réussies ôtaient toute envie de partir.
Pourtant je commence à être rompu à l'exercice, en toute humilité. Et géographiquement parlant, après Los Angeles et New York, Londres c'est du pipi de chat.

Absolument. En même temps, c'est un vrai job, sur la durée, et qui me fait passer au moins toute l'année 2011 dans une valise. À ne pas vraiment voir ces essentielles personnes. Après huit mois à leur chevet ça n'est pas rien. Ça déchire un peu le coeur quelque part, il faut bien l'admettre.
Je trouve que j'ai fait un choix très excitant en acceptant ce travail. Mais moins facile qu'il n'en a l'air de prime abord, je tiens à le dire. Un choix qui met de la poudre aux yeux, une opportunité qu'il ne fallait pas rater et que j'ai saisie, mais pour laquelle il va falloir s'accrocher.

Pour ceux qui ne comprendraient pas de quoi je parle, restez aux aguets, un nouveau blog dédié à cette nouvelle aventure est under construction. Gageons que dans quelques semaines je m'y épancherai sur tout le fun estival londonien dont je profiterai, et sur mon excitation à faire ce tour du monde dansant ces prochains mois.

D'ici-là je râle contre les affres administratives d'une énième nouvelle installation, compte en banque, sécu et consorts.
Et la non mois fameuse, prise de tête et stressante quête d'appartement. Débutée avec une Française qui m'a payé un verre après la première visite et un propriétaire qui m'a ramené en voiture, achevée à l'instant où je vous écris : je viens de poser mes valises at home, sweet home, près du parc de London Fields, à quelques mètres de Broadway Market et quelques minutes de Brick Lane. J'irai au bureau en longeant un canal, à pied ou à vélo.

Le travail, parlons-en. Tout va bien. J'avais oublié à quel point il était épuisant de travailler. Je ne vous parle même pas d'un rythme intense, mais de rythme tout court : cette simple reprise en tant que telle m'a complètement mis à plat. Pour me consoler, la seule chose qui traînait sur mon bureau à l'arrivée était un exemplaire du dernier Têtu. J'ai beau savoir qu'il y a un portrait du boss à l'intérieur, le trouver sur mon bureau à moi m'a fait esquisser un sourire.

Cheers!

mardi 4 mai 2010

Je suis homosexuel

Ceci n'est pas un coming-out.

Mon coming-out, je l'ai fait il y a trois ans. Avant ça pour certains, ensuite pour d'autres. Mon attirance pour les garçons n'est un secret pour personne. Si d'aventure vous l'ignoriez, désormais vous le savez. Voilà, c'est comme ça que cela doit se passer, sans remous, une simple information à engranger, à toutes fins utiles. Un truc tout con dont on se fout outre-mesure. L'indifférence qu'on porte à un détail, ce détail qui ne fait aucune différence.

Pourquoi ce post ? Parce qu'évidemment dans la vraie vie on est loin, très loin, trop loin de cette simplicité. Les agressions homophobes sont légion, d'une insulte dans la rue à la violence physique la plus abjecte, en passant par deux femmes, deux hommes qu'on empêche de s'embrasser. Comme pour mieux régresser. Continuer à se voiler une réalité, simplement une réalité, un fait des choses qui pourtant finira par exister en pleine lumière. Un fait des choses qui, rappelons-le, n'est pas un choix. Un fait des choses qui lorsqu'il suscite gêne, embarras ou haine, ne fait que nous renvoyer à nos heures les plus sombres, aux éternels clivages drainés par la différence, qu'elle soit culturelle, religieuse ou sexuelle. Les clichés sont là pour durer.

Nous sommes en 2010 et une mise au point s'impose. En l'occurrence celle publiée par Bertrand Delanoë sur son blog il y a une dizaine de jours :

Différence et indifférence

23 avril 2010

"Un militant de l’égalité et du respect est mort. Jean Le Bitoux, qui fut, avec Michel Foucault, l’un des inspirateurs du journal Gai Pied, vient de quitter ce monde qu’il aura tellement travaillé à changer. Témoin des années radicales, qui ont vu de courageux pionniers défier une société figée, il aura, en particulier par son travail de mémoire, accompagné un mouvement profond de la conscience de notre pays.
Quand une cause perd l’un de ses plus ardents défenseurs, c’est le moment de faire un point d’étape, de mesurer les avancées, le terrain conquis, peut-être le terrain perdu, l’histoire qui est faite et celle qui reste à faire.
Et la vérité, c’est que beaucoup reste à faire. Songeons à ces pays, si nombreux, où l’homosexualité est toujours considérée comme un crime, puni de mort, à ces jeunes pendus en Iran, ou décapités en Arabie saoudite, coupables d’être ce qu’ils sont. Rappelons-nous aussi qu’en Russie, en 2010, tout rassemblement homosexuel est encore interdit.
Mais sans aller si loin, voyons où en est la France : on peut se demander si nous ne sommes pas entrés dans une triste période de régression silencieuse. Il y a quelques semaines, de jeunes homosexuels ont été frappés, en pleine rue, au cœur du quartier du Marais, à Paris. Voici quelques jours, sur le parvis de Notre-Dame, des couples ont été violemment pris à partie parce qu’ils avaient osé s’embrasser. Plus récemment encore, dans notre ville, les locaux d’une association de lutte contre l’homophobie ont été vandalisés. Dans l’Essonne, c’est un couple de jeunes femmes qui est obligé de déménager pour échapper aux insultes et aux outrages de ses voisins. Et la presse de ce matin rapporte cet acte d’une incroyable barbarie commis il y a un an dans la Nièvre : deux homosexuels ligotés, bâillonnés et enterrés vivants au bord de la Loire… Cette liste est longue, propre à lasser l’attention d’un lecteur pressé. Elle pourrait être plus longue. Mais elle aurait pu aussi être tellement plus courte….
Tout se passe comme si une nouvelle chape de plomb descendait, lentement, inexorablement, avec la morgue des intolérances sûres d’elles-mêmes et de leur histoire. Parfois, ce sont les religions qui y contribuent, en sacralisant des normes ou en alimentant des amalgames : il y a quelques jours, le porte parole du Vatican établissait ainsi, du haut de l’autorité morale qu’il exerce sur plus d’un milliard d’êtres humains, un lien entre homosexualité et pédophilie. Cette somme de méconnaissance, d’ignorance, de ressentiments et de préjugés, pèse lourd, et en profondeur, sur nos sociétés fatiguées. Des esprits trop faibles ou trop dociles peuvent être perméables aux discours de la haine : Jean-Marie Périer, dans un livre bouleversant publié cette année, évoquait la détresse de ces adolescents chassés de chez eux par leurs parents, pour la seule raison qu’ils sont homosexuels.
Au nom de ces enfants humiliés, travaillons à construire une société où ils aient leur place. Les homosexuels ont été confrontés à toutes les souffrances du rejet, de la peur, de la honte, du secret. Ils ont traversé – et traversent encore- des épreuves inouïes, notamment celle du sida, qui les a touchés violemment, au moment précis où ils avaient cru avoir enfin, et à quel prix, conquis le droit à une certaine insouciance. Ils ont droit, aujourd’hui, à la liberté d’être.
C’est Jean-Louis Bory, cet éclaireur des luttes pour l’égalité, qui déclarait en 1979: « Tout ce que je demande, c’est que vous me laissiez vivre. Parce que je représente une part extrêmement vivante de la vie… »
Une société est faite de différences. Et son degré de civilisation se mesure à sa capacité de regarder ces différences avec indifférence. Nous en sommes encore loin."


Ce texte doit être lu, il parle pour lui-même.

C’est un peu une question-piège, ce post. À l'envie de principe de lutter contre les catégorisations excessives et le déballage de ce qui relève aussi de l’intimité le dispute donc le besoin de revendiquer une bienveillante indifférence qui est encore trop rare.
On veut me glisser "ça" sous la peau au même titre que ma blondeur, mes obsessions et ma pilosité, mais vous me définirez pourtant comme "ça", comme pédé, pas comme blondinet obsessionnel poilu. (Au mieux comme pédé blond obsessionnel poilu.)

Sans doute est-ce une forme d'avancée générale dans l'esprit collectif que des polémiques telles que celles engendrées par le court-métrage visant à lutter contre l'homophobie à l'école ou le kiss-in parisien sur le parvis de Notre-Dame pénètrent si loin l'espace public. Mais bon nombre des réactions suscitées ne sont que pathétiques, en restant systématiquement au degré zéro de la réflexion.

Il y a quelques jours, je prenais un verre avec un de mes nouveaux collègues. La discussion est vite arrivée sur un terrain personnel. Je savais que sa copine attend leur premier enfant. Il m'a simplement demandé si j'avais de mon côté "a partner". J'ai répondu par la négative. Il a très naturellement enchaîné : "Would it be a girlfriend or a boyfriend?" Ma réponse a été encore plus naturelle.

Oui, être homo c'est tomber amoureux et se ramasser la gueule tout pareil que les hétéros. D'ailleurs, assez de catégorisation. On tombe amoureux, on se ramasse la gueule (ou pas), filles, garçons, qu'importe. Sérieusement.

Être homo c'est différent d'être hétéro, aussi. Personne ne le nie. Mais ça n'est pas grave, c'est comme ça. On s'en fout. Vous comprenez ? Je vous en prie, faites un effort.

Malheureusement nous en sommes encore à un stade où la visibilité de cette "communauté" qu'on s'efforce de fondre dans la masse est importante. Où cette visibilité est nécessaire, primordiale, pour que cessent la haine la plus forte, le rejet le plus violent, la stupidité la plus banale.

Je dois le dire. Vous devez l'entendre : je suis homosexuel.