Ce n'était pas vraiment folichon folichon ces dernières semaines sur le grand écran hexagonal !
Comme souvent en cette période de l'année, nos amis les distributeurs semblaient attendre Cannes pour sortir leurs "bons" films.
Du coup, ça faisait même un peu too much pour ce 23 mai qui relevait, il faut quand même le dire, le niveau du mois passé.
La tentation était grande, et je n'ai d'ailleurs pas cherché une seconde à lui résister : j'ai pêché, hop, direct.
En gros, j'ai fait du pâté buissonnier, j'ai séché mon stage et je me suis engouffré dans le Triomphe d'en face.
QUATRE objections face à vos cris et votre indignation :
1°/ On n'a pas idée de travailler à moins de cinquante mètres de huit cinémas (ou plutôt on n'a pas idée d'installer huit cinémas à moins de cinquante mètres de mon lieu de travail);
2°/ Aller au cinéma quand on bosse dans le cinéma, c'est considéré comme du temps de travail;
3°/ Il faut bien se faire une idée de ce qui sort chez la concurrence;
4°/ J'étais désoeuvré cet après-midi, sans rien à faire (ils ont emmené tout le boulot à Cannes avec eux)...
Bref j'ai mis de côté le "film-maison" sur Jean-Dominique Baudis, le retour des pirates ou encore la belle Deneuve endeuillée (mais ces trois-là ne perdent rien pour attendre), et j'ai entamé cette semaine-cinéma avec le nouveau film de Christophe Honoré, Les chansons d'amour.
Entre parenthèses, j'aime beaucoup aller seul m'enfermer dans une salle obscure (autrement dit, aller seul au cinéma, esprits mal placés), j'en ressens en général des émotions plus fortes et intenses, que ce soit le rire, les frissons ou les larmes, je rentre mieux au coeur du film.
Ces chansons d'amour, elles m'ont charmé. C'est le mot.
C'est léger, c'est profond, c'est touchant, c'est grave, c'est drôle et c'est triste, c'est mélancolique, c'est parisien, c'est très joliment musical - c'est un bonbon acide et doux.
La simplicité des sentiments, la douleur de l'absence, la spontanéité et la fraîcheur de leur expression... Mais aussi un ressenti simple, direct et hors des sentiers battus. Tous ces éléments captent la beauté de "l'amour et ses petites contrariétés" de manière assez inédite - le film en est d'autant plus agréable.
On sent que ç'a été fait dans l'urgence (tournage en début d'année, on reconnaît dans les rues de Paris des affiches de films sortis à cette époque), mais la mise en scène reste très maîtrisée. Les acteurs sont justes, et je ne parle pas que des moments chantés... Coup de coeur perso pour Louis Garrel et Clotilde Hesme, drôle et agaçant pour le premier, fragile et émouvante pour la seconde.
Les rengaines d'Alex Beaupain vous trottent encore longuement dans la tête à la sortie de la salle, après avoir accompagné l'histoire de fort belle manière.
Et puis il y a Paris, que je n'avais pas vue filmée si réalistement depuis des lustres dans un film !
Passé le côté bo-bo très poussé du film (qui en énervera plus d'un, mais c'est du Honoré après tout, c'est assumé), on se laisse voluptueusement porter par les mélodies et les doutes passionnels de ces charmants personnages, pour finalement se laisser convaincre par ce "film-plaisir douloureux" que l'amour, sous toutes ses formes, à trois, hétéro, amical, homo, familial... c'est difficile... mais que l'amour, c'est beau. Et inattendu, n'obéissant qu'à lui-même, la cohérence nous échappant quelques fois et confirmant l'impression qu'il vaut mieux ne pas se poser de questions.
Alors certes, pas besoin d'aller au cinéma pour entendre cette rengaine, mais si joliment chantées et filmées, ces chansons d'amour-là méritent qu'on s'y attarde !
...en voici d'ailleurs la très belle bande-annonce :
En sortant de la salle, les Champs-Elysées grouillaient des badauds habituels, l'Obélisque à ma gauche pointait vers le ciel lourd, et l'Arc de triomphe à droite était plus imposant que jamais.
Je me suis senti grave et léger, mélancolique et parisien.