jeudi 31 décembre 2009

Le réel

"Il n'y a rien. La vie ne vaut rien. Et cependant tout arrive. Mais c'est indifférent."
Nietzsche


Il y a eu un déclic, le cylindre de papier enrubanné de rouge à la main - ou peut-être était-ce dans le train pour cet ultime cheminement Nord-Sud. Ou dans l'avion, l'iPod vissé sur les oreilles. Ou peut-être le déclic est-il latent depuis trois mois : c'est en tout cas aujourd'hui qu'il s'opère et permet de combler le silence de ce blog, enfin.

C'est qu'on a peur. Peur de changer, peur de sortir des sentiers qu'on a battus toutes ces années.

Cette année-ci, elle a commencé avec un bout de dent cassé. La faute à la bouteille de champagne qui l'a cognée. Et bonne année surtout ! Et quelle année.

Le froid de la rue des Canettes dimanche 11 janvier, d'une douceur infinie; le Paris-New York d'une excitation prévisible; l'autre froid, du West Village, et son mal-être absolu; les révélations "professionnelles" amusantes pour commencer à se sentir mieux; "la soirée du cinéma français" et ses rencontres au long cours; la félicité du mardi 10 mars, la semaine qui l'encadre et ceux qui l'ont suscitée; la sérénité inconditionnelle à Brooklyn; Billy et les filles; "le Brésil"; la transmission du mercredi 8 avril; et jeudi 9; le bonheur triptyque parfait du jeudi 7 mai; les marches tapissées de velours rouge dans le Sud de la France; la réassurance partagée sur les quais juste après; les rencontres de l'été; le désabusé désormais annuel du mardi 9 juin, particulièrement désabusé cette année; "Bingo!"; le char greasé du samedi 4 juillet; des larmes dans un ascenseur le lendemain; une rencontre lilloise impromptue sur Bowery; "petite soirée entre amis" estivale; la chaleur de l'île du feu; les arrivées du mercredi 5 août, du mercredi 12 et du vendredi 14; une nuit à la belle étoile sur un toit d'East Village; un restaurant mexicain avec IFC; "Les Anges", toujours, et sa surprise derrière la porte; "elle" tout le mois de septembre; la crise d'angoisse monumentale du lundi 7; le relâchement dans la voiture pour l'aéroport; les larmes à Hiro; le dernier taxi; Paris et la perte de tout rythme, la remise en question globale ("non"); les chaussons de danse à coudre; un superbe anniversaire; la plage et l'Afrique; la tristesse de début décembre; les conversations idoines qui ont suivi; le diplôme et les pavés mouillés; la virtualité - et la virtuosité; les pistes professionnelles qui continuent d'être tracées, malgré les rêves fous et l'inconnu flou - les soutiens qui surprennent; l'échantillon et l'obsession, le cauchemar; les murs froids; l'aveugle dans le métro. Et cette osmose familiale de fin d'année qui se suffit à elle-même, au théâtre et sur les pistes.
La musique, toujours - ces chansons désormais elles aussi associées à cet instant, à ce lieu, à cette personne.
On s'est construit par rapport aux autres. Avec eux. En prenant ce qu'on pouvait prendre, et avec la sensation grisée de ceux qui pensent repousser les limites. Rien que ça...
L'année de la danse en tout cas.

On lit partout la hâte de passer à 2010. 2009 aurait été une année mauvaise. On se rassure comme on peut, avec ces bornes artificielles qui ne veulent rien dire. Ce soir la nuit tombera, demain le froid soleil d'hiver se lèvera, et tout se poursuivra.
Mais si l'on choisit de s'amuser avec lesdites bornes et d'en jouer le jeu, 2009 aura sans doute été charnière dans tous les domaines.

Avec cette sale impression tenace : qu'on profiterait plus des beaux moments en y repensant quelques mois après que lorsqu'on les a vécus. Pourtant, il faudrait vraiment être difficile pour bouder son plaisir : New York, Cannes et cette incroyable expérience de septembre qui était encore inimaginable il y a six mois.

Non, tout fut grand - et tout fut dur aussi. Et fort. Comme pour mieux confirmer cet adage que l'on se serait choisi il y a quelques années : "De grands bonheurs et de grands malheurs valent mieux que de petits bonheurs et de petits malheurs." Alors soit.

Et si l'on s'y cramponne à ces bornes bornées, c'est bien que tout, au gré de nos chères saisons, est tellement cyclique. Rien ne change vraiment. Et tout à la fois, subrepticement. Au beau milieu de tout cela, une fois de temps en temps surgit une forme de transcendance, un sursaut de surprise, de sourire et de sauvagerie. De sincérité.

Le réel est difficile à atteindre.
Où sont la cohérence, l'équilibre, le vrai ? On questionne nerveusement, on tourne et retourne, on s'empêche de dormir, on imagine et on fantasme. Puis quand on y repense on voit qu'on passe à côté des choses. On revendique depuis des années de vivre le moment, pour se rendre compte que c'est sans doute le plus difficile à mettre en oeuvre. Assumons cela, et allons chercher une autre forme de maturité.
Les petites choses de la vie en sont sûrement les plus grandes.

"Trop de communication tue la communication", trop "d'amis" tuent les amis. Trop de mode tue la mode ? "Je suis un monstre d'amour." Sans argent, sans travail, sans répartie, sans nid et sans romance.
Mais avec une de ces patates !

Alors chérissons précieusement septembre, Cannes, et le reste. Et New York. (Surtout New York.) Visons encore la lune, atterrissons toujours au milieu des étoiles.

L'important c'est d'avancer. Et de continuer à danser.

lundi 28 septembre 2009

I happen to like New York

I got here on a cold winter day, not feeling that good about it.
The next thing I know I'm in tears in a club, eight months later.
Sadness, what else?

I will be back.
...just meant to be.

mardi 15 septembre 2009

Ju Bi-lé

Lundi soir dernier je m'étais endormi vraiment tôt, complètement épuisé, déjà, par mon nouveau boulot tout frais.
Et puis hop, un moustique, vous savez, celui qui vient vous ronronner doucement à l'oreille.
Et puis hop, crise d'angoisse. Une bien belle - je n'ai pas fait semblant.
Le moustique n'est pas la cause de la crise d'angoisse; le moustique est responsable de mes yeux grand ouverts à fixer le plafond, et de mon impossibilité à me rendormir. De là, pensées noires et sombres pensées...
Tout s'est télescopé, ça n'était pas très joli à voir. Le nouveau job bien trop stressant et intense que j'allais être incapable de bien faire, tous ces gens que je n'aurais jamais le temps de revoir avant mon départ, ce mémoire que je ne terminerais jamais dans les délais, ma non obtention de diplôme, et New York qui s'étiolait et dont je ne profiterais plus. Jamais.
J'avais mis le paquet : palpitations, larmes, oppressement, la mort pour tout le monde... Une catastrophe !
Le lendemain matin tout allait mieux.

Ce lundi soir, une semaine après, c'est terminé, je ne suis plus étudiant. Pas encore diplômé mais le mémoire est bouclé, et même bâclé je sais que j'aurai mon précieux sésame pour la vie adulte.
Je me goinfre de New York à chaque instant, plus par les yeux et de diffuses sensations, mais c'est toujours ça de pris. J'y case quelques amis.
Et je prends mon rythme de croisière pour ce job le plus stressant et le plus excitant, très probablement, de ma courte carrière.
De là à dire que tout va bien il n'y a qu'un pas. Que je franchis. Allègrement.

Je savoure ces petites coïncidences de la vie... Très présentes autour de ces trois ultimes semaines new-yorkaises. Un écrivain qu'elle invite, et hop, le soir où je vais la chercher à l'aéroport je m'assieds dans le métro en face d'une jeune fille qui lit un bouquin de cet écrivain. J'attends l'avion et hop surgit dans le terminal une ancienne amie du lycée pas vue depuis cinq ans.
Et je termine New York à Brooklyn. A BAM. Oui, "BAM".
"BAM", et c'est en plus là que tout a commencé, un mois après mon arrivée, en mars dernier. Une folle semaine de sorties, annonciatrice des sept mois de bonheur qui ne manqueraient pas de suivre.
Je les chéris, ces petits signes qui ne disent rien mais encouragent tellement. Pour tout un tas de raisons, un certain vendredi soir de novembre dernier a eu une forte portée, dont je ne soupçonnais alors pas qu'elle atteindrait toute l'année qui suivrait. Ce soir-là, j'ai rencontré deux garçons qui sortaient du Théâtre de la Ville. Ils venaient de voir un spectacle. Celui-là même sur lequel je travaille en ce moment, ici, à New York. Juste avant de rentrer à Paris.

Je ne mentionne même pas les histoires maternelles de genou !

Mes envies d'avenir explosent, des désirs artistiques renaissent, je me love dans le cocon bienveillant du vieux théâtre de Peter Brook. Un grand air de Bouffes-du-Nord qui n'est pas pour me déplaire - pléonasme.
L'art resurgit, une certaine forme de reconnaissance est appréciée à sa juste valeur, le monde est petit et les contacts se cultivent, au même titre que les amis sont aimés.

Sur scène, un couple répète, un couple naît, se fait, se défait, s'embrasse et nous embrase. Tout s'imbrique avec moult délices.
Les mouvements, les couleurs, la musique. Les aimants. Tout est possible.

Demain, partons loin.
Et vous, dansez maintenant !

dimanche 13 septembre 2009

...but you're bringing me down

Ta copine était en feu.



Toi tu palpites et tu pleures. Tu t'es rafraîchie. Tu me fais doucement redescendre. Me fait réfléchir. Mais je ne t'ai rien demandé ! Qu'est-ce que je vais faire de moi ?
La dernière minute habituelle, les impulsions et ne pas aimer ce qu'on pensait adorer. Se concentrer sur le long-terme - avec lui je reviendrai sur tes derniers mois. Mais lui, c'est sans toi -ugh.
Caught in a trap, I can't look back, baby I hate days like this.

Et pourtant ma belle, ce que tu vas pouvoir me manquer.

vendredi 4 septembre 2009

Boom Boom Pow

Et soudainement il est là qui vous submerge, ce soulèvement bref et piquant du cœur, toujours prêt à vous ferrer à chaque moment charnière. Trois heures avant la fin de la dernière journée du stage – « comme ils ont passé vite ces sept mois ! », « que ces belles personnes vont me manquer ! »… Coïncidant en plus avec la veille d’un retour à Los Angeles. Il n’en fallait pas tant ! Une semaine avant l’un de ces jobs futiles, excitants, stressants et originaux dont on se rend bien compte qu’ils ne sont sans doute que l’opportunité d’un unique moment. Pour le moment unique je vous tiendrai au courant.

On parlera communication, aussi. Trop de qui tue la. Des volontés d’intégralité qui se muent en excès non assumés. L’entourage.

Je ne vous ai pas raconté Boston. Camille. Pride. Malo, Charles.











Et ces soirées impromptues prolongées avec la plus grande facilité jusqu’à l’aube, malgré l’alcool et les vapeurs oniriques (grâce à ?)… Les nuits à la belle étoile. Des rencontres, toujours. New York qui pleure. Qui sourit. Les interrogations minimisées. La fatigue extrême, physique, nerveuse, provoquée – la peur du contrecoup parisien. Pariquoi ?

Aux anges une page se tourne aussi, initiatrice de tout ce que je suis et ne suis pas aujourd’hui. Une bonne grosse page donc. Débordante de tendresse à la californienne. Laurent…



East Village, nuit d’été, le saxo gonfle les cœurs, les sourires paisibles dans la nuit douce.

Vous vous rendez compte, que le temps court ? Se rit de nous ?
La musique, les podiums, la sueur et les poils.
Les pages tournent tellement vite. « Ça, c’est fait. »
Donnez-moi du rêve et du voyage. De l’argent. L’insouciance et l’incertitude délicieuse de terminer pour ne pas vraiment savoir quoi recommencer. Jouer à la Bohême, ne pas plus anticiper, foncer dans le tas, prendre les choses comme elles viennent, être là où le vent porte. Emporte.

Que ce cœur se soulève encore beaucoup.

jeudi 30 juillet 2009

Boys on Fire

C'est une fine bande de terre au large de Long Island, à plus de deux heures de Manhattan. Sur l'île, pas de voitures. A la descente du ferry, des hommes nus. Pas une femme.

Ceci est un chouilla exagéré, mais du côté de Pines (évidemment il n'y a là aucun jeu de mot vaseux pour nos amis américains), la vie est tres gay. Un peu trop même ! Le stéréotype bodybuildé épilé snobinard de Chelsea avec son chihuahua dans les bras, je ne suis pas très fan.

Au-delà de ça, Fire Island n'a pas galvaudé son titre de "plus belle plage de New York" - surtout lorsque vos amis vous invitent à séjourner avec eux dans la maison qu'ils louent à cent mètres des vagues. Au milieu des pins (vous comprenez à present ?), il vous suffit de lézarder dans la piscine, de jacuzzier dans le jacuzzi et de siroter les cocktails maison (dès 13h si possible, histoire d'arriver en forme aux différents 'teas' du soir, les apéros locaux où tous les mâles de l'île se retrouvent.)
Au bout du ponton, le sable fin et le tempétueux Atlantique. Plus au Sud, Cherry Grove, bastion lesbien (avec Drag-Queen Show autour de la piscine). Entre les deux, femmes et hommes naturistes, pour le plaisir des yeux (ou pas.) Le décor est planté. Vous passerez le week-end à demi nu.

Ne vous y trompez pas, sous ses airs (assumés) d'Île de la tentation (avec Laundry Fucking Room intégrée), Fire Island est bel et bien la meilleure destination estivale new-yorkaise.
A petite dose...

Quelques illustrations qui parlent d'elles-mêmes :


The Wise Man And His Disciples











Au réveil, tout à fait.






Gay?









Se faire violer à Central Park

Errer dans Central Park, c'est passer d'un extrême à l'autre.
Notamment lors d'une douce soirée d'été.

Les couples amoureux voguent tranquillement sur leur petite barque tellement romantique, un jazzman solitaire souffle quelques notes réconfortantes dans la chaleur du soir qui tombe, puis ce sont quinze djembés endiablés qui font danser les jeunes et les vieux autour d'un banc; un violoniste accompagne ce mime immobile. Les familles déambulent en criant, les joggeurs courent en suant, des effluves enivrantes de substances diverses vous chatouillent les narines et les skaters passent et dépassent tous ces groupes bigarrés. C'est frais, c'est classe, c'est décalé, c'est original, cliché et pour le moins diversifié. En descendant par l'Est, les musées. Whitney, Guggenheim, Met... Aux extrémités Nord, Columbia et Harlem. Plus au Sud, "The Great Lawn" et ses concerts du Philharmonic, Anne Hathaway qui déclame Shakespeare en plein air, à deux pas d'un petit lac bourré de tortues.

Tout est bon pour faire taire la rumeur de la ville.
Et ça marche.

Je dépasse ce conglomérat bariolé pour arriver à un enchevêtrement de petites allées tout droit sorties du Wonderland de Lewis Carroll. La nuit tombe, il fait sombre. Je me perds tranquillement. Croise un paisible raton laveur. Un deuxième. Un homme torse nu. Tiens... Je comprends qu'au-delà de la "réserve naturelle" de Central Park ("The Ramble"), je me trouve aussi très vraisemblablement dans un parc naturel pour bears et autres espèces 'cruisantes' de la faune (et la flore) gaies. Pourquoi pas... Sauf qu'au-delà de 'surréaliste', c'est le côté glauque et vraiment pas rassurant de la chose qui pointe le bout de son nez.

Cette ville est décidément pleine de surprises.

lundi 27 juillet 2009

La conjuration du dimanche soir

Car ce lundi tant abhorré, pour mieux l'appréhender, il faut bien l'encadrer.
(Même à New York, oui.)
Or ici rien de plus simple : les meilleures soirées de la semaine ont lieu les dimanche et lundi soirs.

Après un démarrage chaotique, rien de tel qu'un "Queen-go", un bingo animé par des drag-queens au Bowery Poetry Club le lundi. C'est frais, cheap, follement amusant, et l'on peut même repartir avec près de $300 en cash...

Mais revenons au pire : c'est bien ce fameux dimanche soir, cette glauque conclusion de la semaine. Bien souvent le week-end a été parfait et l'on se prend à penser à tout ce qui a été laissé en plan au bureau le vendredi, et qui nous attend de pied ferme le lendemain. L'horreur.
Pour ne plus y penser, buvons donc (open-bar) à Vandam (@ Greenhouse), la meilleure soirée new-yorkaise selon votre serviteur. Pourquoi ? Parce qu'endroit unique, musique parfaite, entrée gratuite et populasse au poil. Imbattable !!

Entre les déhanchements au club-du-feuillage et les jetons jetés au rythme des vannes de Murray Hill et Linda Simpson, les Mondays new-yorkais n'ont qu'à bien se tenir.

lundi 6 juillet 2009

Salut salope!

Mardi 10 mars dans un bar new-yorkais, une tête bouclée 'germanicaine' se penche en nous entendant parler français. Son visage se couvre d'un large sourire, il adore la langue française, les garçons français... - nous rencontrons Anthony. Un peu plus tard dans la soirée il tient à me présenter à son ami français à lui, "assis là-bas". Je maugrée pour la forme, dans une vaine tentative pas tout à fait assumée de rencontrer le moins de Frenchies possible à New York. Mais au fond je les aime bien ces nouvelles rencontres, quelle que soit leur nationalité. Me voilà donc présenté à William, sereinement assis sur le patio, vêtu d'un élégant manteau d'hiver, la cigarette à la main. William est impressionnant durant la première dizaine de minutes de la rencontre, un mélange de timidité et de distance qui passe facilement pour de l'arrogance. Puis les langues se délient et les sourires s'élargissent.

Presque dix-sept semaines plus tard, dimanche 5 juillet, Anthony est en larmes dans un ascenseur d'un bel immeuble du Financial District. Nous remontons chercher des affaires que William nous a laissées, après l'avoir aidé lui et ses géniales colocataires à descendre leurs bagages; après les avoir embrassés et les avoir foutus dans un taxi en partance pour JFK. De là, leur vol retour pour Paris. Anthony a fait bonne figure au moment des embrassades. Dans l'ascenseur il craque.

Pour pallier à la sensation d'étouffement je suis alors allé marcher deux heures dans Central Park, et c'est là que ma gorge s'est dénouée et que mes larmes à moi ont pu couler. Je n'aime décidément pas les "au revoir". Et pourtant, William, je le reverrai vite justement. La fin de l'été arrivera en un claquement de doigts et je serai à mon tour de retour à Paris.

Il s'agit en fait là d'une autre tristesse, différente de celle que l'on éprouve lorsque des amis (voire davantage que des amis) vous rendent visite et puis s'en vont, et ce même si les implications sentimentales peuvent là être parfois plus fortes.
William s'en va, et avec lui un pan de notre vie new-yorkaise. Ce que nous avons vécu ensemble ici, plus jamais nous le revivrons, et c'est cette bulle définitivement éclatée qui nous serre le coeur.

Nous sommes arrivés ici en même temps, avant de nous rendre compte que nous avions déjà vécu en Californie exactement au même moment sans jamais nous y croiser.
Ces quatre mois new-yorkais avec lui ont été emplis de sorties, de balades et de soirées. Des après-midi shopping, des brunches et des dîners, des escapades dans le Massachusetts et le New Jersey, des spectacle et concert... et puis toutes ces soirées. Sans compter les innombrables tentatives de ses colocs pour que nous finissions ensemble. Mais nous n'avons jamais failli à notre amitié.

Une amitié entre expats est toujours particulière. La rencontre est souvent brusque, et en partant de rien tout se construit très vite - car le temps est compté, et les amis souvent moins nombreux qu'à la maison. On se voit donc partout, tout le temps, et la proximité se met en place très rapidement. Le risque, c'est cette sensation de penser connaître extrêmement bien quelqu'un en très peu de temps - avant parfois de tomber de haut au détour d'une discussion inhabituelle ou de la soirée de trop (la septième de la semaine par exemple, la saturation.)
Rien de cela n'est arrivé avec William. Notre qualité d'échange ne s'est jamais départie de sa sincérité originelle, et n'a jamais été sacrifiée ou bafouée. C'est assez rare dans ces conditions particulières de moments de vie temporaires à l'étranger pour que je veuille le souligner.

Je sais que je vais le retrouver, et que tout cela s'en trouvera sans doute renforcé. Mais en attendant, je maudis ce temps qui passe si vite, et je marque le coup pour honorer cette bulle-là, de quatre mois précisément, qui est déjà du passé.
Un clin d'oeil appuyé pour William qui a été le plus enjoué des lecteurs de ce blog récemment.

Anthony et moi allons continuer à nous amuser, à profiter, oui. Mais désormais, c'est véritablement amputés que nous parcourrons cet été. Un trio inclassable, infernal et improbable, à deux ça ne fonctionne pas.
Anthony qu'il vous faudrait d'ailleurs entendre déclamer en toute sincérité, et dans son bel accent français, qu'il est "désenchanté". Désenchanté d'avoir perdu un de ses petits Français new-yorkais, ceux qu'il gratifie systématiquement et toujours avec l'accent d'un tonitruant "Salut salope!" pour les saluer.

Avant de repartir au ryhtme du soleil new-yorkais moi aussi je suis désenchanté.
Et je pense très fort à notre William, la plus belle de toutes ces salopes.

samedi 23 mai 2009

Cannes, le festival, toute cette pression


C’est un moment indescriptible, sans doute davantage si vous l’avez suivi sur le petit écran des années durant en bavant littéralement devant.
Nous entrons du même côté que les voitures officielles. Premier barrage pour contrôler accréditation et invitation. Et nous empruntons l’étroite allée piétonnière encadrée de barrières blanches, alors que les berlines aux vitres teintées arrivent doucement mais sûrement au pied des marches, tout là-bas. La foule est agglutinée de part et d’autre de la chaussée, et cette foule-là est forcément envieuse. Il fait chaud – pour la séance de 19h30, le soleil brille encore, et le nœud papillon serre très fort nos petits cous qui palpitent. Deuxième contrôle des précieux sésames aux abords du Palais. « Le Palais », le seul, l’unique Palais des Festivals. Tout le monde est très beau, les automobiles défilent et livrent leurs flots de personnalités en pâture aux cris des photographes et aux hurlements des badauds. Le rouge est vif, la carpette semble faire des kilomètres, et tout le monde a l’air de nous attendre. J’imagine que c’est ce que l’on ressent inévitablement la première fois. Nous parcourons ledit tapis rouge, savourant chaque seconde, puis nous gravissons les marches. « Les marches », « les marches rouges » comme on dit pour désigner l’accès officiel au Palais. Et tout cela va vraiment très vite, bien plus que nous ne le voudrions. La chaude folie de l’extérieur s’estompe, nous nous installons dans la salle, le Grand Théâtre Lumière de son vrai nom.


Un peu plus tard, après que nous ayons suivi le reste des arrivées protocolaires en direct sur un écran de taille moyenne, celui-ci est remonté dans les cintres de la scène, et la voix officielle du Festival nous demande, en français puis en anglais, de prendre place "car la séance va commencer." Nous sommes également priés de ne pas utiliser nos téléphones mobiles. La lumière décline progressivement alors qu’en parfaite harmonie le rideau noir qui dissimule le grand écran s’ouvre majestueusement. Le « générique » officiel du Festival s’enclenche, frissonnante montée des marches virtuelle de l’océan vers le soleil. Au sommet, le logo doré du Festival. Le tout sur une musique de Saint-Saëns extraite du Carnaval des animaux. A ce stade de la soirée, on n’est déjà pas loin de l’orgasme. Le rideau est grand ouvert, l’écran immense, et les flashes ont crépité lorsqu’est apparue la Palme dorée sur l’écran. Les applaudissements aussi, qui vont se poursuivre avec chaque logo des producteurs, distributeurs et vendeurs internationaux du film que nous nous apprêtons à voir. La rumeur se tait, les deux mille trois cent quarante spectateurs de l’auditorium respectent un silence précieux et inégalé. Le film commence.

En haut des marches avant Thirst de Park Chan-wook


...à l'issue de la projection


Sur le "chemin protocolaire" avant Vengeance de Johnnie To - derrière nous, une charmante vieille nous trouve "très beaux"


Même soir en haut des marches


Et un petit regard en contrebas


L'effet Johnny est impressionnant


Anne Consigny, Thierry Frémeaux et Gilles Jacob saluent Alain Resnais qui présente ses Herbes folles


Alain Resnais que voilà, également applaudi par Sabine Azéma


Le lendemain, c'est Michael Haneke que nous acclamons pour son sublime Ruban blanc


Dernier gala pour le mauvais Imaginarium du Docteur Parnassus de Terry Gilliam


Mardi, fin d’après-midi, je vous écris depuis la terrasse du Palais. Le soleil chauffe encore. A ma gauche, la Croisette, en face la Méditerranée veloutée et sa flotte de yachts tous plus imposants les uns que les autres. A droite, le Vieux-Port et la vieille ville. On a connu pire endroit pour « travailler ». Cannes frémit chaque année pendant dix jours au rythme des 130 000 festivaliers et visiteurs qui viennent grossir sa population initiale de 70 000 habitants.

Poste de travail mon amour !


Beaucoup de festivaliers sont très désagréablement et sans raison valable imbus d'eux-mêmes, et l'on constate aussi que c'est la folie cinq fois par jour aux abords du Palais lorsque les spectateurs non badgés cherchent désespérément une invitation. D'ailleurs, la foule autour des marches est réellement bigarée, entre festivaliers sérieux, endimanchés, touristes paumés ou chasseurs de stars effrénés. Cannes c'est aussi des dizaines de personnes que l'on connaît de près ou de loin et que l'on croise sciemment ou par pur hasard. C'est vraiment le plus grand rendez-vous du cinéma, et "ils" sont tous là !
Et puis il y a la mer, son air vivifiant et le soleil dardant. Il y a donc aussi la crème solaire qui parfume étrangement un costard qu'on a du mal à imaginer en vacances...

Préparatifs pour la soirée Up


De mon côté, je travaille d'ailleurs peu il faut bien le dire – je profite pleinement de cette fleur tant attendue que « m’offre » mon cher boss. Les guillemets sont là pour souligner que les charges financières me reviennent, mais nous dirons que j’ai su me débrouiller pour les minimiser. Ce que m’offre ma chère compagnie new-yorkaise, c’est la fameuse accréditation.

Je travaille peu, je dors peu et je mange peu. Mais je vois des films, et c’est bien là la principal. En se débrouillant bien il devient même plutôt simple de récupérer les invitations pour les séances officielles comme celle que j’ai décrite plus haut. Pour le reste, mon cher badge, toujours lui, me donne accès à la dizaine d’autres salles de la ville où sont projetés en séances spéciales ou le lendemain les films de la sélection officielle (Compétition, Hors compétition, Séances spéciales, Un certain regard) et des sections parallèles (la Quinzaine des Réalisateurs et la Semaine de la Critique principalement.)
« Bien se débrouiller » revient à récupérer des invitations via ma propre accréditation, mais à mon humble niveau j’ai surtout accès aux films les moins courus et les moins stars de la compète – pour autant aussi bons que les autres bien sûr…
« Bien se débrouiller » c’est aussi du coup dans ce cas-là connaître des gens. Et là, c’est l’avantage d’avoir trois ans de stages et expériences divers accumulés derrière soi, car le réseau, souvent amical d’ailleurs, est heureux d’aider. J’ai donc réussi à voir seize des vingt films projetés en compétition, sans compter quelques autres des sections parallèles.

Première montée des marches, "non officielle" - excitation maximale


Et en cette fin de festival il est très excitant de pronostiquer.
Avec mes chers acolytes B. et J.-B. nous décrétons que le Haneke (Le ruban blanc) est un chef-d’œuvre fascinant qui mérite la Palme et auquel Isa ne devrait pas rester insensible, malgré les potentiels stupides risques d’accusations de copinage au vu de sa proximité avec le réalisateur autrichien.

Antichrist de Von Trier nous hante toujours cinq jours après la projection, et nous le verrions bien repartir avec le Grand Prix.
La mise en scène reviendrait à Audiard l’immense et son bouleversant Prophète – et le prix d’interprétation pour l’exceptionnel Tahar Rahim (et pourquoi pas un doublé avec Niels Arestrup ?) De ce côté-là, les deux seuls concurrents potentiels (et encore…) seraient Christophe Waltz, génial colonel SS de l’excitant Inglorious Basterds de Tarantino, et André Dussollier dans les mauvaises Herbes folles d’Alain Resnais.
Le prix d’interprétation féminine pour Charlotte Gainsbourg dans Antichrist – mais la jeune Katie Jarvis du très bon Fish Tank d’Andrea Arnold est une sérieuse concurrente; Abbie Cornish dans Bright Star de Jane Campion aussi, mais là le film m’a personnellement gonflé. Sans oublier Giovanna Mezzogiorno, impressionnante en maîtresse abandonnée de Mussolini dans le Vincere de Marco Bellocchio.
Enfin, le prix du scénario pourrait échoir à Ken Loach et sa déroutante comédie réussie Looking for Eric.
Je n’ai pas vu Kinatay de Brillante Mendoza mais B. et J.-B. pensent qu’il ferait un bon Prix du Jury.
Le seul hic avec ce palmarès potentiel, si l’on en croit les échos glanés sur la Croisette, concerne Le temps qu’il reste d’Elia Suleiman. Chouchou de la critique depuis les projos de vendredi, on voit de plus en plus mal comment il ne figurerait pas au tableau final – mais nous n’avons pas aimé (j’ai même beaucoup dormi.) De là à croiser les doigts pour un effet Bachir (le film attendu qui repart bredouille, sauf que pour Ari Folman c’était un scandale, alors que ce serait cette année avec Suleiman fort bienvenu) – il n’y a qu’un pas…

A part ça ? Quid des autres films en compète que je n’aurais pas mentionnés ci-dessus ? Faisons simple et sobre : Nuits d’ivresse printanière de Lou Ye est très bon ; Thirst de Park Chan-wook décevant, tout comme Etreintes brisées d’Almodóvar ; Taking Woodstock d’Ang Lee et A l’origine de Giannoli n’ont selon moi rien à faire en compétition ; Vengeance de Johnnie To est mauvais.

L’impression tenace persiste que sous couvert de grands noms les films proposés cette année sont des œuvres mineures desdits « maîtres ».
Beaucoup de thèmes se recoupent aussi dans plusieurs films de la compétition– et de manière générale ceux-ci sont longs, sanglants et masculins, les femmes y sont violentées et on s'endort souvent cinq-dix minutes par projection (bon ok cette dernière caractéristique m'est tout à fait personnelle...)
Les films sont chapitrés, découpés, on y parle beaucoup de cinéma lors de mises en abyme plus ou moins réussies - certains cinéastes se citent aussi eux-mêmes à outrance, et c'est en général plutôt mauvais.

Et on court "en civil" pour la projo de mi journée du Tarantino


Côté pipeaules, au-delà des équipes présentes lors des galas auxquels nous assistons (soit celles du Park Chan-wook, du Johnnie To, du Alain Resnais, du Xavier Giannoli, du Michael Haneke et du Terry Gilliam), on croise beaucoup Beigbeder, la blonde Frédérique Bel, Gaspard Ulliel, Hafsia Herzi, Monsieur le sélectionneur Thierry Frémeaux ou encore Claude Lelouch sur la Croisette. A l'ouverture de la Quinzaine, Coppola père est en grande discussion avec Agnès Varda sur la plage du Cha-Cha. Zinedine Soualem, François-Xavier Demaison, Vincent Elbaz et Cédric Klapisch se ressourcent sur le yacht Arte. On aperçoit Tilda Swinton et Quentin Tarantino de loin. On admire Rossy de Palma, on sourit à Anne Consigny, on complimente le beau Tamar Novas et on danse avec Ben Wishaw à la soirée Almodovar. Et côté danse justement, on se trémousse aussi avec Virginie Ledoyen, Simon Abkarian, Jean-Pierre Darroussin, Robinson Stévenin, Lola Naymark, Grégoire Leprince-Ringuet et Adrien Jolivet à la soirée Guédiguian. On croise Harvey Weinstein puis Marion Cotillard aux abords du Majestic, Charlie Winston sur le plateau du Grand Journal, Dominique Besnehard tout pressé ou encore Robin Wright(-Penn ?) harcelée par les paparazzi. Léa Drucker et Edouard Baer nous prennent à partie pour débattre du physique de Robert Pattinson au Zanzibar, mythique lieu de rendez-vous cannois qui se paie même le luxe de figurer dans le Inglorious Basterds de Tarantino... Et connaissant l'amour de Qwentine pour la Croisette ça n'est certainement pas une coïncidence.

Sur la façade du Carlton


Arrivée en tracteur de l'équipe de Panique au village, avec notamment Jeanne Balibar


Soirée d'ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs sur la plage du Cha-Cha



Et soirée de clôture au Palais Stéphanie


Comment dirais-je ?
J'aime Cannes.