dimanche 19 avril 2009

Éclosions

Il va se passer quelque chose. La salade va glisser de mes genoux et s’étaler par terre, ou mon bouquin va tremper dans la vinaigrette...
Sur cette chaise baignée du soleil de midi d’Herald Square, l’équilibre est précaire. Mais ça n’a pas de prix. Dorer, lire, manger.
Ah, manger ! Je mange énormément depuis mon retour de Paris, me remplis le bide à retardement, comme des réserves de graisse hivernales qui n’auraient pas bien compris qu’il est trop tard pour hiberner. Malgré tout, c’est beaucoup de humus, et des bagels tous les jours, avec du cream cheese bien sûr.

L’hiver aura été long !
Des constantes se sont accrues depuis le début de l'année, chez la plupart de mes amis et moi-même : un ou plusieurs mémoire(s) à rendre très bientôt et une incapacité monumentale à s'y foutre pour de bon. Des difficultés financières chroniques (rappelez-vous, c'est la crise !) Enfin, une certaine tendance à la saute de moral, à la dépression, au coup de blues récurrent.
La bonne nouvelle, c'est que tout se met à bourgeonner !
Levons le nez, l'hiver est fini.

Herald Square donc. Je déjeune, je lis, je jongle, je ferme les yeux et je ronronne, lézardant sous l'astre brûlant.
Une sorte de brute épaisse, assez effrayante dans son genre, arrose et arrange délicatement les jardinières, les tulipes et les autres fleurs que mon inculture m'empêche de nommer.

Dans l'ascenseur pour remonter au dix-huitième étage, les télés sont allumées en continu, le monde tourne par images et textes saccadés, dans ce petit rectangle suspendu entre le sol et le ciel new-yorkais. L'occasion de se rendre compte que la Terre continue de vibrer. C'est toujours la crise, ce sont les blocages, ce sont les fusillades, c'est la "politique". Ce sont les pirates des temps modernes bien moins sexys qu'il y a quelques siècles.

Les Français quant à eux sont partout, il ne se passe pas un jour sans que j'en croise, où que je me trouve dans la grosse pomme. V. vous en parlerait mieux que moi. Du genre "grosse ou enceinte ?"

Je lève les yeux, les arbres sont en fleurs, l'air est doux, je hume, l'Empire State dépasse au-dessus des branches, colorées de nouveau.
Sur l'escalier de secours juste derrière la fenêtre de ma chambre, le même bel oiseau me salue tous les matins depuis quelques jours. Les jardins de l'East Village bruissent de mille bruits invisibles, ils sentent bon.
Je les double pour rejoindre la Tompkins Branch de la New York Public Library, à deux pas de chez moi. Installé au frais, sur une table basse de la section enfants, je bosse péniblement le court mémoire que je dois rendre dans quinze jours, et qui ne m'inspire pas outre mesure, bien qu'intéressant au demeurant. Le calme des lieux est régénérant, troublé çà et là par la joie printanière des quelques marmots du coin. Je replonge en enfance, les souvenirs affluent, ceux du mercredi après-midi lorsque j'écumais la bibliothèque municipale près de chez moi.

Toutes ces années après, c'est touché et pas peu fier que j'apprends figurer dans la sélection internétique mensuelle de Sensitif, le gratuit gay parisien. Page 6.

Tout reste très incertain : et si je changeais d'appart ? Si je descendais bientôt dans le Sud de la France ? Si je m'y mettais une bonne fois pour toutes ? Si nous ressassions tous moins ?
Finalement les bourgeons qui reviennent, c'est le même cycle que pour le reste - rien de très nouveau sous le soleil, aussi agréable soit-il.

Je suis descendu en fin de semaine à Tribeca récupérer les badges pour le festival. Descente ponctuée d’un Johnny Rockets très Midwest, à deux pas de Washington Square. Je croque dans le burger dégoulinant de gras, assis sur un banc au soleil, toujours lui.
Une jeune fille aux traits fins et coiffée d'un béret pleure. Le parc est empli d'une foule hétéroclite, étudiants, enfants, personnes âgées... Personne ne la remarque. J’ai envie de lui dire de sécher ses larmes, de baigner son visage de lumière.
Mais je sais que parfois le soleil ne suffit pas.

2 commentaires:

h a dit…

A noter que tu es sur cette page de Sensitif en merveilleuse compagnie :)

Unknown a dit…

Tout a fait, c'est vrai que j'ai eu tendance a tirer la couverture tout a moi ces deux derniers jours sous le coup de l'excitation et la fougue de ma jeunesse et de mon inexperience, alors que j'ai l'honneur de t'avoir pour merveilleuse compagnie sur cette page 6 my dear :)
Congratulations!