mercredi 24 décembre 2008

Un conte de Noël

Le petit lutin facétieux allait encore se faire enguirlander. Il s'était comme toujours appliqué pour son cadeau, mais il avait perdu tous ses moyens, ses réalités et sa répartie au moment de l'offrir. Sans doute la valeur du présent l'avait-elle empêché de simplement le déposer sous le sapin, comme tout le monde et comme d'habitude. Là pour le coup, il avait vraiment chié dans la colle - ça faisait bien longtemps que ça ne lui était pas arrivé. Il en avait trop dit, il en avait trop fait - ou pas assez. Oh, après toutes ces années passées à parcourir ces sentiers escarpés que la neige et la glace avaient rendus fourbes, il aurait menti en affirmant être toujours resté debout; et perdre l'équilibre lui avait permis d'être plus solide les années suivantes - mais là, il fallait bien l'avouer, pour un si bête cadeau, ça faisait quelques générations de rennes que l'on pouvait compter depuis sa dernière glissade du genre. Voyez-vous, cette prise de tête christique, c'était uniquement parce qu'il était consciencieux. Au-delà de ça il ne risquait pas grand chose. Son cadeau raté n'était pas des plus attendus, et il n'avait même pas la possibilité physique d'en assurer le service après-vente. Alors à quoi bon ?
Ainsi qu'il cheminait en retour en ruminant toutes ces torves pensées décousues, il se sentait simplement déphasé, déconnecté, plus trop lui-même - hors du truc quoi ! Un échec cuisant. Le petit lutin facétieux demeurait malgré tout sereinement réaliste. Il avait passé trop de temps à peaufiner son cadeau, attendant depuis de longs mois le moment opportun, pour se laisser abattre. Et il n'était certainement pas du genre à se plaindre - ni à se vexer, du reste. Il allait se faire enguirlander, soit. Se faire rosser, s'en prendre tout plein sa petite gueule rougeaude creusée par le givre et l'inexpérience consacrée; marquée par l'hésitation, le suivisme et la mollesse. Il restait optimiste.
Arrivé dans sa toute petite chaumière emplie de facéties, il sortit son fer décoré de houx et il se mit à repasser sa paire de collants gris étoiles, ceux qui lui moulaient avantageusement son petit cul (très semblables aux collants portés par Jean Marais dans le Peau d'âne de Jacques Demy, au demeurant.) Il les enfila, acheva sa toilette, secoua une bonne fois pour toutes sa petite tête aléatoirement charmante selon qu'il était dans de bonnes dispositions ou non, et il ressortit dans le froid râpeux de la belle nuit de Noël. Au coin du chemin poudré de blanc, avant d'être avalé par la profonde obscurité, il s'arrêta, pensa aux prochains cadeaux, subtils et détachés; aux douleurs et aux plaisirs à venir.
Il inspira doucement, et il sourit bêtement.

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