jeudi 8 avril 2010

Jetez-moi là

"Les hommes vont rarement vers la lumière pour mieux voir. Ils y vont pour briller."
Nietzsche



Je me rends compte que ce moral en dents de scie, ça fait assez longtemps qu'il dure. Assez pour que j'aie repoussé ce post maintes et maintes fois, allant trop bien un jour pour m'apitoyer sur mon sort, trop mal le suivant pour prendre le recul nécessaire à une situation qui concrètement n'est pas grave. C'est fatiguant, les dents de scie. Épuisant même.
La fameuse "transition" elle dure depuis six mois, et moi je n'en peux plus. Non, je n'en peux plus des réveils à midi, des cinés, des expos, des restos, des copains et des copines, non stop, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Je veux à nouveau me lever tôt, être stressé par mon boulot, remplir mes soirées d'apéros qui n'ont d'autre but que d'évoquer nos occupations professionnelles respectives, râler, être fatigué, avoir du mal à me lever.
En ce moment je râle, je suis défoncé et j'ai du mal à me lever. Mais pour de mauvaises raisons.

Je doute d'être très convaincant, pourtant c'est presque complètement sincère. Au break post "job intense de septembre" a succédé la période de recherche de the emploi, sans angoisse, en roi du monde, profitant de Paris et des gens retrouvés. Mais après un nombre certain d'entretiens, et après le passage à 2010, cette tranquille oisiveté s'est révélée plus angoissante, financièrement parlant notamment.

Ah l’argent ! Source de tant de discussions houleuses avec l'autorité maternelle. Pas plus tard que ce matin, une crise de larmes. Il paraît que je fuis en avant, jeune cigale qui batifole sans trop penser à demain. Si j’ai craqué moi aussi, c’est que je ne sais ça que trop bien. Parfois à force de se voiler la face et de vivre sur une autre planète, les atterrissages sont bien plus douloureux qu’ils ne devraient l'être.

Vous savez qu’on peut mourir demain, qu’on mourra chacun un jour, tôt ou tard. Qu’il n’y a pas de paradis, seulement la poussière qui retourne à la poussière, un néant sans nous qui ne nous angoisse que de notre vivant, ensuite nous n’existons plus. Jamais. Enfin pour toujours quoi. C’est long, toujours. C’est un aspect de la vie que j’ai emmagasiné depuis belle lurette, seulement allez savoir pourquoi j’en fais des crises d’angoisse assez impressionnantes depuis quelques mois. Souvent au moment de m’endormir, lorsque les pensées divaguent. Cette espèce de divertissement pascalien pourrait expliquer mes dépenses irréfléchies, sauf que j’ai toujours été cette petite cigale un peu conne. Excuse pas forcément plus validée qu’une autre, donc.
Sauf que rien n’est grave : foutons-nous de tout ?

Du bon temps cinématographique, culturel, amical, alcoolisé. Libidineux aussi. Quand on s’ennuie on s’occupe. Et en tant qu’homme il est si simple de céder au désir du plaisir. Même rapidement. Même salement. Même anodinement. La masturbation a rarement pris autant de place dans ma vie. C’est triste ? Peut-être. Je ne crois pas en fait, il suffit de l’assumer. Simplement, occuper la vacuité de ses journées à se caresser donne des envies de variété, et certaines formes de stimulation qui impliquent dans mon cas des interactions sont préférablement à oublier.
On m’a dit récemment, sur le ton du compliment, que j’étais un bulldozer que rien ne pouvait arrêter, que je fonçais et prenais tout ce qu’il y avait à prendre, et que je le faisais bien. Soit, j’adhère. En revanche, dans certains cas il est bon de connaître ses limites, si vous voulez garder vos amis, surtout dans ces originales et virtuelles situations sentimentalo-sexuelles.

Perdre ses amis, c’est facile. Le temps et la distance font un joli travail. Les fameux « outils sociaux » facilitent et multiplient les opportunités d’avoir des contacts qui peuvent enterrer l'amitié aussi vite qu'ils la ravivent. Il suffit d’aimer plaire, d’avoir besoin d’attention(s), pour se laisser embarquer dans de folles aventures avec des personnes à peine rencontrées, au détriment de ceux qui vous accompagnent depuis plusieurs années. Certaines amitiés s’érodent certes assez naturellement, et des rencontres récentes n’en sont potentiellement pas moins intenses, mais la chute peut être très rapide, et les révélations de discorde trop doucereuses pour qu’on en mesure la portée.

Je suis devenu accro à Twitter en seulement vingt-quatre heures, moi qui n’y portais aucune foi ces derniers mois, n’en voyant pas l’utilité face à Facebook. Et pourtant je tweete, je retweete, et je n’arrête pas. Rien ne change fondamentalement.
Twitter devient facilement un médium de rencontres comme un autre, et ce pendant aguicheur du réseau social laisse difficilement de marbre. De toute façon même sans Twitter je ne me contente pas de plaisirs solitaires, rassurons-nous. Mais coucher avec une carte postale n’est pas la plus intelligente des idées. Ce n’est pas le retour des sentiments, c’est le retour d’une addiction à la tendresse, le câlin appelant le câlin. Et ce n’est pas évident de s’en dépêtrer. Je me bats plutôt avec moi-même dans ce cas-là. De toute façon ma carte postale à moi n’est jamais arrivée. Finalement il y a beaucoup d’orgueil dans cette histoire, toujours ce besoin d’attention, de considération, et surtout cet arbre de tendresse qui ne fait que cacher une forêt vide de toute « cible ». Pour le cœur d’artichaut que je suis c’est assez rare pour être souligné. En soi ça n’est pas grave, sauf lorsqu’on se rend compte que l’on fonctionne à l’autre, à l’idée de l’autre, à l’envie de l’autre. Les rouages grincent en son absence.

Pour moi qui abandonne Paris en permanence c’est sans doute bon. Pas d’attaches, je suis jeune… Combien de fois ai-je entendu ces répliques presque envieuses ? Beaucoup trop. On me faisait remarquer que mon cœur devait commencer à se plaindre que je fuie Paris une fois de plus. Il se plaint certainement, oui. Six mois parisiens, bientôt huit, c’est un record, juste le temps de ressouder quelques attaches un peu plus fort, et repartons, car c’est vrai, on s’ennuie vite. Et revoilà la boule dans le ventre.
J’aime l’idée du pigeon voyageur, parce que je n’aime pas les pigeons. Alors oui je voyage. Et ensuite ? Quelle incompatibilité y a-t-il entre avoir 22 ans et avoir envie de Paris, de ce garçon et de cet appartement ? Je vais vous le dire : l’incompatibilité professionnelle pour l’instant.
J'ai ce gros truc-là dans ma poitrine, et c'est ce gros truc-là qui commande à peu près tout le temps, c'est bien pour ça que ça n'est pas simple.
« Oh fiston !! Ne te plains pas de te laisser guider par ton cœur. »
Soit.

N’empêche, heureux les simples d’esprit, non ? Parfois je me pose vraiment la question, quand tout se tourne et se retourne dans ma petite caboche, lorsque je torture mes esprits jusqu’à plus soif, histoire d’avoir fait le tour de toutes les hypothèses douloureuses.
Avoir la chance de se faire assister matériellement par ses parents n’est pas toujours aisé non plus. L’esprit de débrouillardise est très bridé. Ensuite, on s’entend très bien avec lesdits parents, mais au bout d’un moment ça n’a plus rien de marrant.

Je suis en général sur la ligne 4, direction Porte de Clignancourt, deuxième voiture dernière porte. Le loquet relevé avant que la rame s’arrête, les portes s’ouvrent, c’est la course, les marches de l’escalator deux à deux, ouch les genoux, le couloir à droite, les portes de sortie de la zone « ticketée », l’écran pour repérer la voie, le train part dans les deux minutes, les escalators encore, le sprint final de traversée de la gare, esquiver les gens, tendre le pass Navigo, se glisser entre les battants, s’arracher les poumons jusqu’au quai, sauter dans le train, sonnerie, les portes se ferment, je sue, je halète.
On s’en lasse vite je vous jure.

Tout comme on se lasse, et pourtant c’est un bonheur à chaque fois, de squatter à Mouton-Duvernet, Cadet, Saint-Fargeau, Ménilmontant, Châtelet, Temple, Gare du Nord et Porte de Champerret. Même avec toute l'affection des chats parisiens et de leurs poils.
En fait, cinq ans de fausse indépendance (jamais complètement matérielle, mais au moins logistique), on y prend goût. Revenir chez ses parents qu’on aime très fort, ça se limite à six mois, je viens de tester pour vous.

Peut-être aussi parce que je suis un homme d’apparences, dont l’avis du fan club importe plus que son propre bien-être ("La vie n'est pas un fan-club !"), et qui veut donc montrer une vraie indépendance. Je sais que je ne devrais pas, mais je me glace souvent en pensant à qui je suis, ou qui je crois être, ou à un trait de mon caractère. J’ai mes accès d’intense comparaison à autrui. Au parcours d'autrui, aux mecs d'autrui.

Il faut dire que j'évoquais l'absence de "cibles" : la saison des amours est bien triste pour l’instant. Pour quelques couples heureux, combien battent-ils de l’aile ? Chacun s’enterre dans des impossibilités, des choses du passé qui feraient mieux d’y rester, des tarés. Comme si en 2010 on avait encore plus de mal à avancer. Pourtant ce besoin de fraîcheur est comme un coup de pied au cul – mais nous le sentons à peine, léthargiques, nostalgiques, englués dans nos petites histoires molles et sans intérêt.

Les vrais amis, eux, questionnent votre tour du monde. Ils appuient où ça fait mal. Ils ne sont pas nombreux. Malgré tout plus utiles que ceux qui assènent que vous êtes beaux et intelligents. Le temps de la pommade est révolu.
Sinon les rapports humains se trouvent faussés. Il n’y a plus de créativité, la virtualité nous hypnotise. Bon ok, elle m’hypnotise moi. Comment aller à l’essentiel, dans ce lunatisme, cette absence du construit, ces fausses annonces qui se veulent sensationnelles ? On ne s’écoute pas, le « ça va ? » le plus élémentaire ne trouve réponse que face à des nouvelles événementielles, le quotidien nous est fade, nous l’ignorons poliment. Peut-être s’agit-il juste de concevoir que tout n’est pas facile, et que tout n’est certainement pas agréable. Ou si on le savait depuis longtemps, de l’expérimenter toujours plus concrètement. Pour se remettre en place.
Pour notre génération, c’est extrêmement difficile d’entretenir des rapports humains normaux – on évolue séparément. Et même sans se voir beaucoup, c’est peut-être bien de pouvoir se dire qu’on a le choix. Le rapport à l’autre est tellement important.
Tout est cyclique, biaisé par de la fausse non-distance. Protégeons-nous férocement ?
En ce qui me concerne, je suis d'une possessivité monstrueuse avec mes amis.

Quoi qu'il en soit il est temps d’arrêter de brasser de l’air, temps de passer plus de temps en terrasse que sur Internet, temps d’arrêter de cogiter. C'est le temps du lâcher-prise, le temps du fresh start. Une fois de plus.

La chenille alcoolique et bouffie devient ainsi peut-être papillon de lumière. Elle veut être aimée dans tout son ridicule et sa folie.
Grassouillet dans mon nid de coton, je vais essayer de me mettre davantage en danger, de parler plus franchement aussi. C’est grave, et puis ce n’est pas grave. Le ras-le-bol transitoire, le lunatisme, l’ennui, s'en iront bientôt.
Mais s'agit-il juste d'"ennui" - ou d'une donne différente des perceptions émotionnelles du "bien-être", qu'on appelle... vieillir ?
Tout n'est que question d'histoires et de voyages. Avec légèreté, je trouverai bientôt certaines réponses à certaines questions.

Déconstruire pour mieux reconstruire, une nouvelle maturité, un épanouissement pérenne - j'espère.



P.S: follow me! @ArthurOnTour

2 commentaires:

Garance a dit…

Me faire un lire un texte super long, qui effectue un parallèle entre Nietzsche et Cindy Sander et écrit par un mec qui avant hier ne croyait pas encore en Twitter, j'avoue, je ne l'aurai jamais cru possible. Y'avait que toi pour réussir :) Et crois moi, ce n'est pas peu dire !

http://itmustbe5oclocksomewhere.blogspot.com/

Unknown a dit…

Salut Arthur, arrête de te plaindre, mets toi un putain de coup de pied au cul, merde! Ca fait des années que je ne t'ai pas vu et quand je lis ton blog, tu dresses le constat d'un mec malheureux! Putain, tu as les clés en main pour bouger ta vie alors fais le. Arrête de cogiter sur des conneries. La construction psychologique c'est super important ok mais si elle n'est pas suivie d'actes, elle ne te sert à rien! Malheureusement, le job ne suis pas, c'est pas grave, ca viendra positive un peu! Allez, prends soin de toi et bouge toi les fesses (qu'elles soient sexy ou non)! Retrouve le sens des réalités, éloigne certains poisons comme l'argent etc. de ta vie. Apprends à redevenir toi même! On a tous des obstacles à surmonter, surmonte celui-là! Désolée si tu prends mal ces choses. Ce n'est pas le but. Tu as raison, tu as "oublié" certains amis et je pense en avoir fait parti... Mais si tu te souviens de moi, tu te souviendras que je n'ai jamais été méchante, loin de là, et que j'ai toujours essayé de te secouer les puces! Allez petite tête, profite de ta vie réellement (c'est à dire arrête les futilités). Comme tu dis, tu peux crever dans 5 minutes (ce serait triste mais bon ca arrive on sait jamais une peau de banane dans la cuisine et tu tombes sur le chat qui te fout un coup de griffe, ca s'infecte et puis tu meurs d'une maladie rare que le docteur House n'aurait même pas trouvée), bref, alors tu crois que ca vaut la peine que tu te prennes la tête comme tu le fais! Bisous d'encouragement.
Cynthia (initiatrice du relevage psychologique persuasif approuvé par comité de censure), Julie, Mathilde.
PS: Ne m'en veux pas c'est pas méchant parce que je t'aime bien et que je veux pas que tu me boudes, quoi que ca fait des années qu'on ne s'est pas vu, ca ne changera pas la rotation de la terre, et évite les peaux de bananes on ne sait jamais!
We Love your gay fesses!