"Il n'y a pas de moments ordinaires."
Encore toi !
Il y a finalement peu de chances que tu me lises, et pourtant j'ai besoin de t'écrire tout ça - ici.
C'était dans l'euphorie de la fin de soirée, il était quatre heures du matin passées, et je te disais "je t'aime" comme pour imprimer plus fort ce que nous savons déjà tous deux, implicitement.
Pourtant ça ne va pas forcément de soi, ces choses-là; et plus que ton anniversaire c'est finalement sur ton départ que nous nous sommes tous arrêtés. J'ai voulu de mon côté que tu partes avec cette certitude des sentiments. La famille est du genre émotive, tu m'es tombée dans les bras en larmes. Rien de grave : tu pars et tu n'as pas choisi les études faciles. Tu appréhendes, c'est tout naturel. Mais je n'ai pas réussi à m'en rendre compte à temps, et me voilà en ce dimanche après-midi dans la posture du grand frère qui culpabilise. L'aîné qui n'aurait pas bien joué son rôle, en quelque sorte.
A-t-on jamais vraiment été très famille, toi, moi, ou même eux..?
Il conviendrait de nuancer : je n'ai pas la sensation de jouir d'une proximité effarante avec nos grands-parents, par exemple, et mon cousin n'est pas mon meilleur ami. Mais les parents, notre frère, toi et moi, avons souvent partagé des choses fortes. Malgré ça, dans notre nucléarité à tous les cinq, j'ai depuis longtemps adopté "les copains d'abord". Loin de moi l'idée de ma la jouer "victime facile", j'assume cette posture, je suis conscient de la normalité de la chose quand on a entre quinze et vingt ans, et je sais que toi aussi.
Mais lorsque nos trois ans d'écart se sont mués en douce complicité, je ne me suis pas employé à maintenir un lien fort avec toi, me laissant couler avec la distance qui nous séparait, alors que je découvrais "mon Nord". L'été dernier, j'ai repassé du temps à Paris, plus qu'au cours des trois années précédentes. J'étais naturellement à la maison, mais concrètement plus que jamais avec mes amis, jusqu'à l'extrême. Tu le sais bien, j'ai fait ma crise d'ado à retardement.
Cette année je me suis bien mieux débrouillé, profitant de mes moments avec vous, apprenant à les apprécier, et surtout à les espérer. C'est assez neuf et intense pour être souligné.
Et si tout ça avait été trop affectueux, pas assez sentimental ? Ma personnalité me prédispose à la boulimie d'activité(s), et finalement, en plus de vous, en plus de toi, ce sont mes amis même qui en pâtissent, ceux-là que je vous ai longtemps préférés. Je ne cherche vraiment pas à me justifier, et il n'y a aucun regret dans cette exposition de ressentis - simplement le constat qu'il est encore temps de poursuivre ce rapprochement, de moi vers toi; encore temps et aussi nécessaire, je le sais et je le sens. Sans doute le soupçon de distance en plus instauré par ton départ du cocon le permettra-t-il, en fin de compte et contre toute attente...
Oui, je doute que tu lises ce billet avant longtemps, si tant est que tu le lises un jour. Mais comme toujours c'est avant tout pour moi que j'écris; ainsi au moment de conclure je me sens plus léger, mais pas débarrassé pour autant de mes élans fraternels, ne t'en fais pas. Écrire ne signifie pas jeter : j'ai juste transformé mon angoisse du week-end en envie palpable de t'aimer mieux encore, pour tous les prochains moments que nous ferons en sorte de partager.
Oui, j'ai écrit pour moi - parce que ce que j'avais à te dire se résume en fait à l'essentiel du billet précédent : cet essentiel que je t'avais déjà écrit, dans ce petit cahier que tu prends avec toi, et où nous t'avons tous montré beaucoup, beaucoup d'amour.
Ta famille t'accompagne, nous quatre, les autres, celle que tu te choisis jour après jour. Je suis tellement heureux d'en être, tellement fier d'être ton grand frère. "Je t'admire et tu m'inspires".
Toi comme moi nous le savons : tout ira bien.