lundi 19 avril 2010

Volcan coquin


Au-delà de la crise du secteur aérien, des complications infinies engendrées et du ras-le-bol des gens coincés à Tokyo, à Miami ou même à Paris, l'éruption du volcan Eyjafjallajökull en Islande est pour moi la nouvelle la plus surréaliste depuis longtemps. Son dernier réveil date d'il y a 187 ans, et que ce phénomène naturel qui prend place sur une île reculée dont personne ne parle jamais paralyse ainsi indéfiniment l'Europe toute entière me souffle complètement. Nos belles sociétés modernes sont donc à la merci de quelques cendres, et cette situation incroyablement problématique revêt encore une fois pour moi un charme suranné dont je ne me suis pas encore lassé.

Si tu vas à Rio

"Se eu usar mãos, é porque o amor é cego." / "Si j'utilise les mains, c'est que l'amour est aveugle."
Proverbe brésilien




Il y a des petites habitudes dont on ne se lasse pas, dont on sait qu'elles rendent jaloux, mais dont ne pas profiter relèverait de la bêtise pure et dure. J'ai eu beaucoup de temps libre ces derniers mois, et j'ai assez souvent accompagné mon père en voyage. Cette semaine, nous avons passé trois jours à Rio.
Le Brésil est un fantasme chez moi depuis de longues années, sans que j'en identifie véritablement la cause - tout au plus ma rencontre avec C. il y a deux ans a-t-elle renforcé mon désir de le découvrir.
Trois jours c'est court, mais l'excitation le dispute à la frustration, l'intensité à la brièveté.




Il fait chaud, cet air moite des Tropiques qui ne vous lâche pas. Nous allons nous gaver dans un rodizio, ce restaurant à la formule unique : buffet à volonté plus des dizaines et des dizaines de morceaux de viandes que les serveurs vous proposent les uns après les autres à votre table, que vous acceptez ou que vous refusez. Un petit carton rouge d'un côté vert de l'autre vous sert à leur indiquer si vous en voulez encore ou non. Le tout arrosé de caïpi, avant, pendant, après. Il est quatre heures du matin en France, nous ne tenons plus, d'autant que le lundi soir n'est pas le moment le plus festif de la semaine, même à Rio - dodo.

Petit déjeuner sur la terrasse de l'hôtel, à la pointe de Copacabana, côté Ipanema. Le soleil tape, la vue est jouissive.
On se met en route le long de la plage, on remonte vers le nord, admirant les vieux qui volleyent (peu de foot, étonnamment), les pauvres qui font des châteaux de sable et les vendeurs à la sauvette qui vendent à la sauvette. On paranoïse un chouilla sur les recommandations sécuritaires : pas d'objet de valeur ostensiblement en vue - les histoires fréquentes d'agression font un peu froid dans le dos.
Nous empruntons le métro, propre, moderne et à l'épreuve de toute forme de parisianisme : les Brésiliens se parlent, communiquent sans se connaître. Nous bénéficierons de cette chaleur et de cette gentillesse, en permanence, comme ce beau jeune homme qui spontanément nous indique notre chemin sans que nous lui demandions de l'aide, simplement parce qu'il nous voit empêtrés avec nous-mêmes.





Oui, les Brésiliens sont beaux. D'une beauté absolue, totale, renversante, unique.
Plus tard ce jour, après avoir pris le "bonde", petit tram jaune typique, qui nous a conduits du Centro (en reconstruction pour le Mondial 2014 et les JO 2016) à Santa Teresa, quartier perché aux manoirs abandonnés qui mène droit aux favelas, où les coulées de boue et les éboulements sont bien visibles, et où une jeune fille nous voyant marcher d'un bon pas nous recommande assez fermement dans un anglais approximatif de rebrousser chemin avec nos bonnes têtes de "gars pas d'ici"... Après nous être perdus dans Santa Teresa donc, après avoir savouré les couleurs de Lapa... Plus tard ce jour, après ces délices brésiliens les yeux grand écarquillés, nous arrivons, difficilement, le long d'une voie rapide, au Pain de sucre.

Et je vous parlais de la beauté brésilienne. La beauté des Brésiliens. Pas de ce petit singe étrange en voie de disparition qui saute de table en table. Plutôt de ce vendeur de bijoux en costume que je mate, absolument pas discrètement, pendant que mon père achète à manger. Je me rends aux toilettes derrière la boutique, subtil déplacement qui me permet de passer devant la vitrine et de décocher ce que j'espère être un sourire mutin irrésistible. Je ne pensais pas être aussi doué en la matière, en tout cas le jeune vendeur me suit aux toilettes. L'espace d'une seconde, je nous vois faire sauvagement l'amour dans l'une des cabines exiguës. Mais nous ne sommes pas seuls. Je sors et l'attends devant la porte en faisant mine d'admirer la vue. Le voilà qui sort à son tour et s'accoude également à la rambarde, l'air de rien. J'engage la conversation : "What time is it?" A son tour de décocher un sourire brésilien à tomber par terre. Nous discutons avec D. des banalités inhérentes à ce genre de rencontre, avant que je lui demande de me sortir le soir, mon "dernier soir"... Il accepte, rendez-vous est pris.

Au Pain de sucre, les Français sont partout, c'est effrayant, mais tout heureux d'avoir déniché mon Brésilien du séjour et des perspectives de la soirée, je ne râle même pas, alors que je suis plutôt d'habitude d'une mauvaise foi totale à ce sujet et que j'exècre les nids de Français à l'étranger.


Il fait nuit, nous sirotons les habituelles caïpirinhas dans une guérite de Copacabana, sur la plage. Un club de natation danse et chante bruyamment pour célébrer son premier anniversaire. Des Brésiliennes que je ne qualifierais pas de jolies mais encore une fois chaleureuses nous invitent dans la danse. C'est l'hilarité générale, de notre côté comme du leur. La ronde est un peu barrée - surtout je ne comprends pas un mot de portugais et elles ne parlent pas anglais. C'est frais, c'est amusant, c'est une jolie rencontre. Je suis surpris de voir peu de plantureuses beautés féminines proches des clichés, mais plus des femmes grassouillettes qui me font penser à beaucoup de Mexicaines en Californie.

Aussi, au Brésil il est traître de se rendre compte que la majorité des gens que vous rencontrez comprennent parfaitement l'espagnol, mais ont systématiquement ce regard déçu ou réprobateur de voir que vous ne parlez pas leur langue. Ainsi chez moi la facilité de s'exprimer dans la langue ibérique laisse place à un trop fort sentiment d'inconfort et je préfère marmonner des bribes d'un semblant de portugais mâtiné d'anglais, par respect pour eux.
Le lendemain matin, notre chauffeur de taxi s'échinera à s'exprimer très fort en portugais, et nous nous obstinerons à répondre en français, prétendant chacun de notre côté comprendre ce que l'autre dit.

Mais retour au mardi soir : après les caïpis et la danse sur la plage j'abandonne mon père et ses collègues à leur dîner, j'avale un misérable club sandwich au bar de l'hôtel et je retrouve mon date, puisqu'il a tout l'air d'en être un. Très original, à nouveau caïpis sur la plage. Nous discutons. Pas de mystère, nous sommes gays tous les deux (quelle surprise !), même si D. n'a pas l'air très à l'aise sur ce sujet. Il me demande comment "ça" se passe en France, me confie que son petit frère est gay aussi, qu'ils vivent avec leur mère au nord de la ville. Il m'explique aussi que son seul salaire les fait vivre tous les trois.
Les choses étant mises au clair, nous nous dirigeons vers la seule boîte gay ouverte un mardi soir, celle-là même que mes amis me déconseillaient absolument. Mais nous faisons avec ce que nous avons. Le Boy est un grand endroit à la musique pas franchement palpitante. Je n'ai qu'un bref aperçu de la population, au bout de cinq minutes nous nous embrassons goulûment sur un canapé comme deux collégiens en rut. Nous y passons toute la soirée.
Il vit chez sa mère, je dors avec mon père, nous devrions nous arrêter là. D'autant que je m'effondre peu à peu dans ses bras, un mélange d'alcool, de fatigue et de bien-être. Notre besoin réciproque de câlinements, qui s'exprime si naturellement malgré les différences de culture et de langue, me fait fondre d'attendrissement. Mais il finit par me raccompagner à l'hôtel et je m'en trouve revigoré, je décide que nous ferons l'amour sur le sol, derrière le bar de la piscine. Lui qui est natif de Rio et un peu plus âgé, qui avait pris les choses en main jusque là, se retrouve tétanisé. "I'm so nervous, I'm so nervous!" Je le rassure et je l'embrasse encore.

Le mercredi matin, le survol de Rio en hélicoptère est bluffant, surtout son apothéose, lorsque nous ne sommes qu'à quelques mètres du Corcovado, le Christ rédempteur de 38 mètres de haut qui domine la ville. D'autant plus apprécié que l'accès à la statue est condamné depuis les intempéries de la semaine précédente.


La conclusion de ce mini séjour se fait au creux des vagues, en "eaux dangereuses", la signification d'Ipanema. Les courants sont impressionnants, mais l'eau est chaude, et la sieste sur la plage un délice dont on ne peut décemment se lasser. Nous buvons notre délicieux açaï com banana et nous nous préparons pour le vol retour.

Les hommes sont beaux, certains qui ne remarqueraient même pas mon existence en France se retournent pour me regarder, je me souviens de ce que C. disait à propos du succès des Français au Brésil. Et bien c'est parfait, je suis prêt à épouser un Brésilien.

Dans le bus qui nous conduit à l'aéroport, je ne peux m'empêcher de penser à l'accident du vol Rio-Paris de juin dernier. Même vol, même avion. Petite bouffée d'angoisse en imaginant ces passagers se préparer à l'embarquement comme nous, sans se douter du sort tragique qui les attend quelques heures plus tard. Je décide d'adopter un comportement brésilien : les 200 morts dans les favelas à cause des intempéries ont choqué les Cariocas (doux patronyme des habitants de Rio), mais ils continuent de rire et de danser. Pas d'apitoiement, pas de misérabilisme. Ils ont bien raison.


Comme à chaque voyage, les pensées s'égarent dans une douce mélancolie (la saudade), et je me fantasme retournant là-bas avec mes amis.
Après le décollage, assis dans le cockpit que seuls les multiples boutons de contrôle éclairent, enveloppé dans l'encre noire de la nuit et bercé par le ronflement de l'avion qui la traverse sereinement, je colle mon front au hublot et je regarde les étoiles. Mes yeux se perdent dans l'infini sombre du ciel, la sensation est incomparable.

Puis brusquement les pilotes rallument la cabine. Les moments de joie ne durent jamais.
Je vais apprendre le portugais.

jeudi 8 avril 2010

Jetez-moi là

"Les hommes vont rarement vers la lumière pour mieux voir. Ils y vont pour briller."
Nietzsche



Je me rends compte que ce moral en dents de scie, ça fait assez longtemps qu'il dure. Assez pour que j'aie repoussé ce post maintes et maintes fois, allant trop bien un jour pour m'apitoyer sur mon sort, trop mal le suivant pour prendre le recul nécessaire à une situation qui concrètement n'est pas grave. C'est fatiguant, les dents de scie. Épuisant même.
La fameuse "transition" elle dure depuis six mois, et moi je n'en peux plus. Non, je n'en peux plus des réveils à midi, des cinés, des expos, des restos, des copains et des copines, non stop, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Je veux à nouveau me lever tôt, être stressé par mon boulot, remplir mes soirées d'apéros qui n'ont d'autre but que d'évoquer nos occupations professionnelles respectives, râler, être fatigué, avoir du mal à me lever.
En ce moment je râle, je suis défoncé et j'ai du mal à me lever. Mais pour de mauvaises raisons.

Je doute d'être très convaincant, pourtant c'est presque complètement sincère. Au break post "job intense de septembre" a succédé la période de recherche de the emploi, sans angoisse, en roi du monde, profitant de Paris et des gens retrouvés. Mais après un nombre certain d'entretiens, et après le passage à 2010, cette tranquille oisiveté s'est révélée plus angoissante, financièrement parlant notamment.

Ah l’argent ! Source de tant de discussions houleuses avec l'autorité maternelle. Pas plus tard que ce matin, une crise de larmes. Il paraît que je fuis en avant, jeune cigale qui batifole sans trop penser à demain. Si j’ai craqué moi aussi, c’est que je ne sais ça que trop bien. Parfois à force de se voiler la face et de vivre sur une autre planète, les atterrissages sont bien plus douloureux qu’ils ne devraient l'être.

Vous savez qu’on peut mourir demain, qu’on mourra chacun un jour, tôt ou tard. Qu’il n’y a pas de paradis, seulement la poussière qui retourne à la poussière, un néant sans nous qui ne nous angoisse que de notre vivant, ensuite nous n’existons plus. Jamais. Enfin pour toujours quoi. C’est long, toujours. C’est un aspect de la vie que j’ai emmagasiné depuis belle lurette, seulement allez savoir pourquoi j’en fais des crises d’angoisse assez impressionnantes depuis quelques mois. Souvent au moment de m’endormir, lorsque les pensées divaguent. Cette espèce de divertissement pascalien pourrait expliquer mes dépenses irréfléchies, sauf que j’ai toujours été cette petite cigale un peu conne. Excuse pas forcément plus validée qu’une autre, donc.
Sauf que rien n’est grave : foutons-nous de tout ?

Du bon temps cinématographique, culturel, amical, alcoolisé. Libidineux aussi. Quand on s’ennuie on s’occupe. Et en tant qu’homme il est si simple de céder au désir du plaisir. Même rapidement. Même salement. Même anodinement. La masturbation a rarement pris autant de place dans ma vie. C’est triste ? Peut-être. Je ne crois pas en fait, il suffit de l’assumer. Simplement, occuper la vacuité de ses journées à se caresser donne des envies de variété, et certaines formes de stimulation qui impliquent dans mon cas des interactions sont préférablement à oublier.
On m’a dit récemment, sur le ton du compliment, que j’étais un bulldozer que rien ne pouvait arrêter, que je fonçais et prenais tout ce qu’il y avait à prendre, et que je le faisais bien. Soit, j’adhère. En revanche, dans certains cas il est bon de connaître ses limites, si vous voulez garder vos amis, surtout dans ces originales et virtuelles situations sentimentalo-sexuelles.

Perdre ses amis, c’est facile. Le temps et la distance font un joli travail. Les fameux « outils sociaux » facilitent et multiplient les opportunités d’avoir des contacts qui peuvent enterrer l'amitié aussi vite qu'ils la ravivent. Il suffit d’aimer plaire, d’avoir besoin d’attention(s), pour se laisser embarquer dans de folles aventures avec des personnes à peine rencontrées, au détriment de ceux qui vous accompagnent depuis plusieurs années. Certaines amitiés s’érodent certes assez naturellement, et des rencontres récentes n’en sont potentiellement pas moins intenses, mais la chute peut être très rapide, et les révélations de discorde trop doucereuses pour qu’on en mesure la portée.

Je suis devenu accro à Twitter en seulement vingt-quatre heures, moi qui n’y portais aucune foi ces derniers mois, n’en voyant pas l’utilité face à Facebook. Et pourtant je tweete, je retweete, et je n’arrête pas. Rien ne change fondamentalement.
Twitter devient facilement un médium de rencontres comme un autre, et ce pendant aguicheur du réseau social laisse difficilement de marbre. De toute façon même sans Twitter je ne me contente pas de plaisirs solitaires, rassurons-nous. Mais coucher avec une carte postale n’est pas la plus intelligente des idées. Ce n’est pas le retour des sentiments, c’est le retour d’une addiction à la tendresse, le câlin appelant le câlin. Et ce n’est pas évident de s’en dépêtrer. Je me bats plutôt avec moi-même dans ce cas-là. De toute façon ma carte postale à moi n’est jamais arrivée. Finalement il y a beaucoup d’orgueil dans cette histoire, toujours ce besoin d’attention, de considération, et surtout cet arbre de tendresse qui ne fait que cacher une forêt vide de toute « cible ». Pour le cœur d’artichaut que je suis c’est assez rare pour être souligné. En soi ça n’est pas grave, sauf lorsqu’on se rend compte que l’on fonctionne à l’autre, à l’idée de l’autre, à l’envie de l’autre. Les rouages grincent en son absence.

Pour moi qui abandonne Paris en permanence c’est sans doute bon. Pas d’attaches, je suis jeune… Combien de fois ai-je entendu ces répliques presque envieuses ? Beaucoup trop. On me faisait remarquer que mon cœur devait commencer à se plaindre que je fuie Paris une fois de plus. Il se plaint certainement, oui. Six mois parisiens, bientôt huit, c’est un record, juste le temps de ressouder quelques attaches un peu plus fort, et repartons, car c’est vrai, on s’ennuie vite. Et revoilà la boule dans le ventre.
J’aime l’idée du pigeon voyageur, parce que je n’aime pas les pigeons. Alors oui je voyage. Et ensuite ? Quelle incompatibilité y a-t-il entre avoir 22 ans et avoir envie de Paris, de ce garçon et de cet appartement ? Je vais vous le dire : l’incompatibilité professionnelle pour l’instant.
J'ai ce gros truc-là dans ma poitrine, et c'est ce gros truc-là qui commande à peu près tout le temps, c'est bien pour ça que ça n'est pas simple.
« Oh fiston !! Ne te plains pas de te laisser guider par ton cœur. »
Soit.

N’empêche, heureux les simples d’esprit, non ? Parfois je me pose vraiment la question, quand tout se tourne et se retourne dans ma petite caboche, lorsque je torture mes esprits jusqu’à plus soif, histoire d’avoir fait le tour de toutes les hypothèses douloureuses.
Avoir la chance de se faire assister matériellement par ses parents n’est pas toujours aisé non plus. L’esprit de débrouillardise est très bridé. Ensuite, on s’entend très bien avec lesdits parents, mais au bout d’un moment ça n’a plus rien de marrant.

Je suis en général sur la ligne 4, direction Porte de Clignancourt, deuxième voiture dernière porte. Le loquet relevé avant que la rame s’arrête, les portes s’ouvrent, c’est la course, les marches de l’escalator deux à deux, ouch les genoux, le couloir à droite, les portes de sortie de la zone « ticketée », l’écran pour repérer la voie, le train part dans les deux minutes, les escalators encore, le sprint final de traversée de la gare, esquiver les gens, tendre le pass Navigo, se glisser entre les battants, s’arracher les poumons jusqu’au quai, sauter dans le train, sonnerie, les portes se ferment, je sue, je halète.
On s’en lasse vite je vous jure.

Tout comme on se lasse, et pourtant c’est un bonheur à chaque fois, de squatter à Mouton-Duvernet, Cadet, Saint-Fargeau, Ménilmontant, Châtelet, Temple, Gare du Nord et Porte de Champerret. Même avec toute l'affection des chats parisiens et de leurs poils.
En fait, cinq ans de fausse indépendance (jamais complètement matérielle, mais au moins logistique), on y prend goût. Revenir chez ses parents qu’on aime très fort, ça se limite à six mois, je viens de tester pour vous.

Peut-être aussi parce que je suis un homme d’apparences, dont l’avis du fan club importe plus que son propre bien-être ("La vie n'est pas un fan-club !"), et qui veut donc montrer une vraie indépendance. Je sais que je ne devrais pas, mais je me glace souvent en pensant à qui je suis, ou qui je crois être, ou à un trait de mon caractère. J’ai mes accès d’intense comparaison à autrui. Au parcours d'autrui, aux mecs d'autrui.

Il faut dire que j'évoquais l'absence de "cibles" : la saison des amours est bien triste pour l’instant. Pour quelques couples heureux, combien battent-ils de l’aile ? Chacun s’enterre dans des impossibilités, des choses du passé qui feraient mieux d’y rester, des tarés. Comme si en 2010 on avait encore plus de mal à avancer. Pourtant ce besoin de fraîcheur est comme un coup de pied au cul – mais nous le sentons à peine, léthargiques, nostalgiques, englués dans nos petites histoires molles et sans intérêt.

Les vrais amis, eux, questionnent votre tour du monde. Ils appuient où ça fait mal. Ils ne sont pas nombreux. Malgré tout plus utiles que ceux qui assènent que vous êtes beaux et intelligents. Le temps de la pommade est révolu.
Sinon les rapports humains se trouvent faussés. Il n’y a plus de créativité, la virtualité nous hypnotise. Bon ok, elle m’hypnotise moi. Comment aller à l’essentiel, dans ce lunatisme, cette absence du construit, ces fausses annonces qui se veulent sensationnelles ? On ne s’écoute pas, le « ça va ? » le plus élémentaire ne trouve réponse que face à des nouvelles événementielles, le quotidien nous est fade, nous l’ignorons poliment. Peut-être s’agit-il juste de concevoir que tout n’est pas facile, et que tout n’est certainement pas agréable. Ou si on le savait depuis longtemps, de l’expérimenter toujours plus concrètement. Pour se remettre en place.
Pour notre génération, c’est extrêmement difficile d’entretenir des rapports humains normaux – on évolue séparément. Et même sans se voir beaucoup, c’est peut-être bien de pouvoir se dire qu’on a le choix. Le rapport à l’autre est tellement important.
Tout est cyclique, biaisé par de la fausse non-distance. Protégeons-nous férocement ?
En ce qui me concerne, je suis d'une possessivité monstrueuse avec mes amis.

Quoi qu'il en soit il est temps d’arrêter de brasser de l’air, temps de passer plus de temps en terrasse que sur Internet, temps d’arrêter de cogiter. C'est le temps du lâcher-prise, le temps du fresh start. Une fois de plus.

La chenille alcoolique et bouffie devient ainsi peut-être papillon de lumière. Elle veut être aimée dans tout son ridicule et sa folie.
Grassouillet dans mon nid de coton, je vais essayer de me mettre davantage en danger, de parler plus franchement aussi. C’est grave, et puis ce n’est pas grave. Le ras-le-bol transitoire, le lunatisme, l’ennui, s'en iront bientôt.
Mais s'agit-il juste d'"ennui" - ou d'une donne différente des perceptions émotionnelles du "bien-être", qu'on appelle... vieillir ?
Tout n'est que question d'histoires et de voyages. Avec légèreté, je trouverai bientôt certaines réponses à certaines questions.

Déconstruire pour mieux reconstruire, une nouvelle maturité, un épanouissement pérenne - j'espère.



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