dimanche 22 février 2009

Cher Oscar

Que tu m'excites, tous les ans, surtout que c'est la troisième fois consécutive que je vais avoir ce petit bonheur d'être dans ton pays au moment de ton avènement ! Bon, pas de Marion pour faire mon chauvin cette année, mais tâche de rendre tout ça aussi excitant que possible malgré tout, s'il te plaît. Il y a quand même deux court-métrages français que tu peux couronner - en revanche je te saurai gré de privilégier Bashir au Cantet, parce que pour moi y a pas photo comme dirait l'autre. C'est pareil, ne me parle même pas de pandas face à la seule, à l'unique merveille de petit robot de chez Pixar. On est tous à peu près sûr que tu vas nous la jouer émotionnelle avec Heath, c'est bien. Penelope me semble un bon choix, aussi. De ce que j'ai vu, je pencherais pour Sean, mais je sens ton faible pour Mickey. Là où tu as merdé c'est chez les leading ladies ! Angelina et Melissa sont très bonnes, ouip, et Meryl est la plus grande. Mais Kate te mérite vraiment ! Alors pourquoi POURQUOI POURQUOI l'as-tu nommée pour cette daube de Reader, alors qu'elle est mille fois meilleure dans Revolutionary Road ?? POURQUOI ??? Tu m'as compris, je ne considère donc même pas le Daldry comme un concurrent sérieux, il n'a rien à faire dans tes "best pictures". Frost/Nixon c'est pareil, au secours ! Après, tu sais que je n'ai pas du tout accroché à Button, mais le film a au moins certaines qualités objectives. Non, mais si tu ne vas pas à Milk, au moins, ou à Slumdog, au mieux, tu crains vraiment. Ceci dit apparemment selon les plus fins experts, aucune chance pour que tu n'ailles pas à Slumdog... Soit. J'espère que tu te rends compte de cette pâle année ciné américaine, où aucun film ne sort vraiment du lot pour passionner les foules. Fais gaffe ! Et j'espère que tu sais ce que tu fais en confiant la cérémonie à Hugh.

Enfin voilà, quelques recommandations sur le tas, à tout à l'heure.

mardi 17 février 2009

One day at a time

Samedi, le premier ici, je wifise de bon matin dans un charmant café ensoleillé. Une femme visiblement très nerveuse s'approche et me demande si elle peut utiliser mon ordinateur et sa connexion Internet. Elle est Européenne me dit-elle, et son mec, avec lequel elle devait s'installer à New York, a repris l'avion paniqué la veille sans autre forme de procès qu'un mot laissé sur la table de la cuisine. Christine est Norvégienne, son mec en question Français, nous discutons dans la langue de Molière, elle se détend un peu.


From my roof, East

Vendredi qui suit, second craquage cinématographique (à 12,50$ la place mes ardeurs sont tristement bien vite calmées.) Au moment de glisser ma carte bancaire dans la borne pour régler les vingt-cinq dollars dus pour deux places, une femme s'approche et me propose... deux places pour la même séance, le même film, qu'elle a soi-disant achetées par erreur. Elle nous les offre. Ces charmantes conditions n'empêchent pas The Reader d'être raté. Quelques jours plus tard, je paierai effectivement ma place (enfin, on la paiera pour moi), et Milk se révélera un film de qualité(s).

From my roof, South

Dimanche, le soleil brille, nous marchons, je marche, nous n'arrêtons pas, c'est tellement agréable. Le Nouvel An chinois nous tombe dessus, l'expo Alexander Calder au Whitney me séduit, je prends le bus. J'aime prendre le bus à New York, les longues avenues défilent sous la lumière dorée de fin d'après-midi, on rêvasse en essayant d'apercevoir le haut des gratte-ciels. On brunche le samedi, on brunche le dimanche, les jours fériés aussi. On croise des ouvriers maladroits qui défoncent les portes vitrées à coups de poutres métalliques, et deux hommes tatoués style racailles de gang obèses se rouler goulûment des pelles. Je traverse le Brooklyn Bridge, mes pas me mènent à la découverte de Fort Greene Park, où je fais une pause. Le soleil brille toujours.

From my roof, West

Lundi, je marche d'un pas alerte sur la vingt-neuvième rue entre les septième et sixième avenues, je bouscule légèrement un homme, m'excuse, poursuis mon chemin. Il me rattrape en courant, m'attrape par le bras, a l'air très en colère, et potentiellement violent (délit de sale gueule de la racaille de gang sus mentionnée.) Il tenait ses lunettes à la main, elles sont tombées lorsque je suis passé, un verre est fêlé. Il vitupère, je ne peux pas en placer une, de toute façon je ne sais pas quoi dire. Je n'en mène pas large, je me pisse dessus, de sombres idées filent à cent à l'heure dans ma petite caboche intimidée. Je m'en tire en lui proposant d'aller retirer de l'argent, je lui file quarante dollars, m'excuse encore platement et m'éclipse promptement.

Home Sweet Home (dernier étage, deuxième fenêtre en partant de la gauche)

Mardi, j'apprends que Deezer respecte désormais les clauses de légalité (ou assimilé) des artistes qu'il propose à l'écoute, mais des clauses propres à chaque pays. Aux Etats-Unis, il n'y a plus guère que la chanson française et les hymnes traditionnels ouzbèques qu'on puisse encore écouter - ce qui m'agace. C'est cette même journée que choisit l'écouteur droit de mon iPod pour rendre l'âme. Ce qui m'énerve profondément.


Mercredi, j'accepte une date (dheïtt) avec M., rencontré et emballé dans un bar belge cinq jours auparavant. Je gardais en mémoire une scène vaudevillesque de la rencontre précédente, type "allons dans le lit deux places de ma coloc qui n'est pas là; oh mince voilà ma coloc qui arrive, mais que fais-tu caché ridiculement sous la couette petit Frenchie ?", scène sise en plus à Columbia, c'est à dire au cul du loup. Bref, ce dîner allait devoir bien se passer. Raté. J'étais fatigué, il m'a ennuyé avec ses grandes phrases sur la vie et l'amour et son rentre-dedansisme américain donc tout sauf fin. M. avait choisi un onéreux restaurant - je lui fais comprendre que je ne vais pas faire de folies, il me réplique l'oeil complice qu'il ne faut pas que je me soucie des questions d'argent ce soir... Mais pourquoi est-ce que j'ai compris que M. allait m'inviter ? Au final, il commande pour nous deux, se lâche, et divise la note. 56$ dans les dents, au revoir M.
(Note : trois soirées, trois mecs qui me sautent dessus en dix jours et qui me confirment avec délice que mon sex-appeal est en bien meilleur état de ce côté-ci de l'Atlantique.)


Jeudi matin, le concierge du building où sont nos bureaux me salue d'un "Good morning Arthur, how are you?", qui varie parfois avec un "Good morning Mr. L., how are you?" - j'aime beaucoup les deux. Je lui demande à mon tour comment il va. "One day at a time, one day at a time Arthur."


Vendredi 13, fire drill, nous écoutons un Monsieur nous expliquer ce qu'il faut faire en cas d'incendie lorsqu'on se trouve comme nous au dix-huitième étage. Je retiens simplement qu'il vaudrait mieux prier pour qu'il n'y ait pas d'incendie. Après ce choquant constat, mon boss décide à 17h30 que nous avons assez travaillé et que nous allons tous aller voir Friday the 13th au ciné d'à côté. La séance est complète, nous allons boire et manger à la place. Jusqu'à 2h30 du matin. Je crois que les soirées alcoolisées entre collègues, boss inclus, dans des bars gays, c'est un bon signe. De quoi je ne sais pas, mais un bon signe. Surtout en remettant ça deux jours plus tard.
L'occasion au passage de se rendre compte que le soixante-deuxième cru du Festival de Cannes ne pourra être que bon, avec sans grand doute possible les retours d'Almodovar, Audiard, Honoré, Loach, Scorsese et Tarantino sur la Croisette.


Samedi, j'investis une plus petite pièce de mon appartement pour y installer ma chambre - plus petite, mais dotée d'une fenêtre. Désormais, je sens l'air et vois la lumière de New York.

vendredi 6 février 2009

Des ouvertures et de leur absence

La rue est bondée, sombre et étroite. Là-bas, tout au bout, il se dresse dans toute sa grandeur menaçante, torpillé par les milliers de flocons épais et déchaînés qui l'enveloppent dans la furie et le froid de ce soir d'hiver. L'Empire State Building n'est pas seul à se retrouver enneigé - New York est prise dans une tempête glaciale, furieuse et ininterrompue, que nous observons passivement derrière les larges vitres du dix-huitième étage. Le lendemain pourtant, à ce même endroit, à ce même moment, c'est le soleil déclinant qui embrasera la pièce avant de disparaître dans l'Hudson pour noyer la fin d'après-midi dans l'obscurité.

La neige et le coucher de soleil, la froide luminosité de février et la glaciale nuit new-yorkaise - je me trouve sur mon lieu de travail, mais ce n'est pas depuis mon bureau que j'observe ce fatras climatique. Mon bureau se trouve dépourvu de toute fenêtre. Nous sommes trois à occuper la petite pièce blafardée par des néons améliorés. C'est mauvais pour le teint. Je profite donc de chaque seconde de la pause de mi-journée, et je me rends à pied audit bureau - quinze degrés sous zéro certes, mais un air vif et un ciel resplendissant, imperturbablement bleu, qui laisse la part belle aux divagations de pensées diverses et matinales.
Et puis ce stage démarre plutôt bien - en l'absence de mon cher boss déjà très apprécié, j'occupe son bureau (m'endors même dans son fauteuil) et regarde des petits bijoux indépendants évidemment inédits, avant de proposer mes idées pour en créer la bande-annonce. On a connu pire. Je jouis en fait de manière assez inattendue d'une considération assez impressionnante. Sans savoir s'il s'agit de mes expériences précédentes, de ma French touch ou des recommandations dont je bénéficie, il y a quelque chose qui me place sans conteste au-dessus de ma collègue stagiaire, par exemple. Laquelle me déteste, noyée dans ses Fedex et ses tableaux Excel absolument inutiles. C'est très bien comme ça ma foi ! J'apprends à ignorer l'affectif professionnel, me fichant éperdument, une fois n'est pas coutume, de savoir qui m'aime et qui ne m'aime pas, et ne cherchant pas de mon côté à apprécier tout un chacun. Tant mieux, parce que ça ne serait pas possible. Il est difficile de tisser des liens amicaux sincères avec les Américains, mais ce fléau ne se trouve qu'exacerbé au sein de l'entreprise. L'hypocrisie semble de mise dans la majorité des interactions personnelles, et il ne se passe pas un déjeuner sans que chacun soit rivé à son écran d'ordinateur. Trop cliché pour être séduisant; l'adaptation au monde bureautique version Oncle Sam est délicate. C'est ainsi que je pars seul chercher la fraîcheur de l'air et l'éclat de la lumière qui me manquent tant le reste de la journée.

Ce problème de fenêtre est également répandu dans les chambres que l'on peut trouver à louer à Manhattan. Il est par exemple présent dans un appartement situé au croisement de la douzième rue et de la première avenue, dans l'East Village. Mon bureau n'a pas de fenêtre, ma chambre n'a pas de fenêtre. Ca commence à faire beaucoup. Mais on ne peut pas tellement dire que je regrette. C'était ma quinzième visite (littéralement) et je n'en pouvais plus. Pourtant ce n'est pas la précipitation qui a commandé à mon choix de dimanche soir dernier, mais bien la réflexion, la logique et le compromis. Le compromis, oui, le meilleur que j'aie trouvé en croisant des données aussi diverses que la situation géographique, le prix, la taille de l'appartement et les colocataires. Rien d'extraordinaire donc, mais une chambre de taille correcte, meublée sommairement, excellemment située, à un prix raisonnable et avec des compagnons d'appartement relativement vivables, ne serait-ce leur saleté basique de mâles vingtenaires caricaturaux (je ne suis plus à un poil près dans la baignoire.) Avec quelques photos au mur, une petite table et une couette digne de ce nom, il se pourrait même que la chambre soit charmante. Quand les beaux (chauds) jours seront là, il se pourrait même (bis) que je ne puisse plus me passer de notre terrasse privée sur le toit dotée d'une sympathique vue de Downtown. En attendant, je reconnais que c'est l'incertitude qui préside. Je peux enfin poser mes valises, et moi avec, dans un endroit que je peux nommer "chez moi", mais j'ai la sensation que ça ne sera que temporaire (un mois ? Trois mois ?) Ne serait-ce que parce que l'absence de fenêtre, donc de climatisation, compromet toute possibilité de dormir décemment durant les mois d'été new-yorkais dégoulinants de chaleur et de moiteur.

Rien de bien grave ceci dit. En fait, là où le bât blesse, c'est au niveau des fluctuations. Celles du moral. Le lunatisme, à ce niveau-là, est très fatiguant depuis une semaine. Loin de moi l'idée de râler honteusement à propos de ma situation - pourtant cette mise en route new-yorkaise est plutôt éloignée de l'idylle sans anicroches, et a même ses aspects très pénibles. J'ai une pêche d'enfer, puis le moral dans les chaussettes, sans raison évidente - je vous assure que c'est épuisant. J'ai d'ailleurs écrit des mails à des amis à quelques heures d'intervalles, certains se trouvant assurés de mon bien-être, d'autres alertés de ma détresse. La quête de la chambre a été difficile lorsqu'il s'est agi de passer de longues journées seul dehors à visiter des taudis, venant d'une auberge de jeunesse à la propreté et à l'intimité discutables, certainement pas un "chez soi". A présent que je l'ai trouvée, cette chambre, je ne suis donc toujours pas pleinement satisfait. Professionnellement non plus au passage, ne nous méprenons pas (oui oui, je râle jusqu'au bout, absolument !) Aussi intéressantes des tâches éparses puissent-elles être, comme celles évoquées plus haut, le métier même auquel je me destine tête baissée de stage en stage depuis trois ans, préparant un concours prestigieux à ce propos début avril, me rend en ce moment plutôt circonspect. Je crois que mes seules certitudes sont d'aimer voir des films (et je m'y noie en ce moment, niant toute réalité hors pellicule), et d'aimer griffonner, gribouiller, raturer, lister, rédiger, raconter, (d)écrire, échanger, aiguiller, conseiller. Non, je ne me vois pas critique cinéma, allez savoir pourquoi.

Oh, il semble que ces tergiversations multiples, négatives et absolument totales, ne soient que le fruit de ce nouveau départ, que j'ai incontestablement sous-estimé. Après cette première semaine de vie dans la ville de mes rêves, c'est la pénibilité de New York qui m'apparaît, sa dureté, son intransigeance ferme et définitive. C'est bien simple, je crois que je ne me suis jamais senti aussi seul. La solitude est terrible, et d'autant plus lorsque la vie sociale bat son plein, démarre sur les chapeaux de roues, pétille à merveille de soirée en soirée. Pas une minute à moi, des gens à voir partout, tout le temps - beaucoup de bonheur amical. C. et V. & S. ont été les crèmes parfaites de ces premières journées, m'aidant, me sortant, me conseillant et m'entourant juste comme il l'a fallu - je ne les remercierai jamais assez.
C'est donc le comble alors, de se sentir si seul. Je n'aurais jamais cru ça de cette ville, ni n'aurais pensé overdoser si tôt de l'Amérique (je suis de moins en moins indulgent avec ses charmants habitants.) Serait-ce la fois de trop ?
Bien sûr que non - ce négativisme vaut pour beaucoup de ressentis diffus, épars, changeants selon les heures de la journée; et surtout pour l'expiation d'un mal-être récent, bien réel. Le blues du choc du redémarrage, voilà tout - la mise en route se poursuit, et tout va se mettre en place paisiblement. J'ai besoin de ces envolées lyriques - à moi et à moi seul de me foutre le coup de pied au cul nécessaire pour tout reprendre, de provoquer les choses, de m'amuser. Ah ! ma petite New York, tu me déstabilises, pour la première fois avec toi je me sens déraciné comme je ne l'ai probablement jamais été. J'imagine qu'il n'en sortira que du positif.
En attendant, tout ça manque simplement de fenêtres - à moi d'aller chercher beaucoup d'air et un peu de lumière.

mardi 3 février 2009

A Fresh Start

A cool apartment.
A cool job.
Feels like things can really start over here now...
To be continued.