mardi 4 mai 2010

Je suis homosexuel

Ceci n'est pas un coming-out.

Mon coming-out, je l'ai fait il y a trois ans. Avant ça pour certains, ensuite pour d'autres. Mon attirance pour les garçons n'est un secret pour personne. Si d'aventure vous l'ignoriez, désormais vous le savez. Voilà, c'est comme ça que cela doit se passer, sans remous, une simple information à engranger, à toutes fins utiles. Un truc tout con dont on se fout outre-mesure. L'indifférence qu'on porte à un détail, ce détail qui ne fait aucune différence.

Pourquoi ce post ? Parce qu'évidemment dans la vraie vie on est loin, très loin, trop loin de cette simplicité. Les agressions homophobes sont légion, d'une insulte dans la rue à la violence physique la plus abjecte, en passant par deux femmes, deux hommes qu'on empêche de s'embrasser. Comme pour mieux régresser. Continuer à se voiler une réalité, simplement une réalité, un fait des choses qui pourtant finira par exister en pleine lumière. Un fait des choses qui, rappelons-le, n'est pas un choix. Un fait des choses qui lorsqu'il suscite gêne, embarras ou haine, ne fait que nous renvoyer à nos heures les plus sombres, aux éternels clivages drainés par la différence, qu'elle soit culturelle, religieuse ou sexuelle. Les clichés sont là pour durer.

Nous sommes en 2010 et une mise au point s'impose. En l'occurrence celle publiée par Bertrand Delanoë sur son blog il y a une dizaine de jours :

Différence et indifférence

23 avril 2010

"Un militant de l’égalité et du respect est mort. Jean Le Bitoux, qui fut, avec Michel Foucault, l’un des inspirateurs du journal Gai Pied, vient de quitter ce monde qu’il aura tellement travaillé à changer. Témoin des années radicales, qui ont vu de courageux pionniers défier une société figée, il aura, en particulier par son travail de mémoire, accompagné un mouvement profond de la conscience de notre pays.
Quand une cause perd l’un de ses plus ardents défenseurs, c’est le moment de faire un point d’étape, de mesurer les avancées, le terrain conquis, peut-être le terrain perdu, l’histoire qui est faite et celle qui reste à faire.
Et la vérité, c’est que beaucoup reste à faire. Songeons à ces pays, si nombreux, où l’homosexualité est toujours considérée comme un crime, puni de mort, à ces jeunes pendus en Iran, ou décapités en Arabie saoudite, coupables d’être ce qu’ils sont. Rappelons-nous aussi qu’en Russie, en 2010, tout rassemblement homosexuel est encore interdit.
Mais sans aller si loin, voyons où en est la France : on peut se demander si nous ne sommes pas entrés dans une triste période de régression silencieuse. Il y a quelques semaines, de jeunes homosexuels ont été frappés, en pleine rue, au cœur du quartier du Marais, à Paris. Voici quelques jours, sur le parvis de Notre-Dame, des couples ont été violemment pris à partie parce qu’ils avaient osé s’embrasser. Plus récemment encore, dans notre ville, les locaux d’une association de lutte contre l’homophobie ont été vandalisés. Dans l’Essonne, c’est un couple de jeunes femmes qui est obligé de déménager pour échapper aux insultes et aux outrages de ses voisins. Et la presse de ce matin rapporte cet acte d’une incroyable barbarie commis il y a un an dans la Nièvre : deux homosexuels ligotés, bâillonnés et enterrés vivants au bord de la Loire… Cette liste est longue, propre à lasser l’attention d’un lecteur pressé. Elle pourrait être plus longue. Mais elle aurait pu aussi être tellement plus courte….
Tout se passe comme si une nouvelle chape de plomb descendait, lentement, inexorablement, avec la morgue des intolérances sûres d’elles-mêmes et de leur histoire. Parfois, ce sont les religions qui y contribuent, en sacralisant des normes ou en alimentant des amalgames : il y a quelques jours, le porte parole du Vatican établissait ainsi, du haut de l’autorité morale qu’il exerce sur plus d’un milliard d’êtres humains, un lien entre homosexualité et pédophilie. Cette somme de méconnaissance, d’ignorance, de ressentiments et de préjugés, pèse lourd, et en profondeur, sur nos sociétés fatiguées. Des esprits trop faibles ou trop dociles peuvent être perméables aux discours de la haine : Jean-Marie Périer, dans un livre bouleversant publié cette année, évoquait la détresse de ces adolescents chassés de chez eux par leurs parents, pour la seule raison qu’ils sont homosexuels.
Au nom de ces enfants humiliés, travaillons à construire une société où ils aient leur place. Les homosexuels ont été confrontés à toutes les souffrances du rejet, de la peur, de la honte, du secret. Ils ont traversé – et traversent encore- des épreuves inouïes, notamment celle du sida, qui les a touchés violemment, au moment précis où ils avaient cru avoir enfin, et à quel prix, conquis le droit à une certaine insouciance. Ils ont droit, aujourd’hui, à la liberté d’être.
C’est Jean-Louis Bory, cet éclaireur des luttes pour l’égalité, qui déclarait en 1979: « Tout ce que je demande, c’est que vous me laissiez vivre. Parce que je représente une part extrêmement vivante de la vie… »
Une société est faite de différences. Et son degré de civilisation se mesure à sa capacité de regarder ces différences avec indifférence. Nous en sommes encore loin."


Ce texte doit être lu, il parle pour lui-même.

C’est un peu une question-piège, ce post. À l'envie de principe de lutter contre les catégorisations excessives et le déballage de ce qui relève aussi de l’intimité le dispute donc le besoin de revendiquer une bienveillante indifférence qui est encore trop rare.
On veut me glisser "ça" sous la peau au même titre que ma blondeur, mes obsessions et ma pilosité, mais vous me définirez pourtant comme "ça", comme pédé, pas comme blondinet obsessionnel poilu. (Au mieux comme pédé blond obsessionnel poilu.)

Sans doute est-ce une forme d'avancée générale dans l'esprit collectif que des polémiques telles que celles engendrées par le court-métrage visant à lutter contre l'homophobie à l'école ou le kiss-in parisien sur le parvis de Notre-Dame pénètrent si loin l'espace public. Mais bon nombre des réactions suscitées ne sont que pathétiques, en restant systématiquement au degré zéro de la réflexion.

Il y a quelques jours, je prenais un verre avec un de mes nouveaux collègues. La discussion est vite arrivée sur un terrain personnel. Je savais que sa copine attend leur premier enfant. Il m'a simplement demandé si j'avais de mon côté "a partner". J'ai répondu par la négative. Il a très naturellement enchaîné : "Would it be a girlfriend or a boyfriend?" Ma réponse a été encore plus naturelle.

Oui, être homo c'est tomber amoureux et se ramasser la gueule tout pareil que les hétéros. D'ailleurs, assez de catégorisation. On tombe amoureux, on se ramasse la gueule (ou pas), filles, garçons, qu'importe. Sérieusement.

Être homo c'est différent d'être hétéro, aussi. Personne ne le nie. Mais ça n'est pas grave, c'est comme ça. On s'en fout. Vous comprenez ? Je vous en prie, faites un effort.

Malheureusement nous en sommes encore à un stade où la visibilité de cette "communauté" qu'on s'efforce de fondre dans la masse est importante. Où cette visibilité est nécessaire, primordiale, pour que cessent la haine la plus forte, le rejet le plus violent, la stupidité la plus banale.

Je dois le dire. Vous devez l'entendre : je suis homosexuel.

8 commentaires:

Jérémie a dit…

Tu sais quoi ? Moi aussi.

Jérémie a dit…

Et d'ailleurs magnifique texte de Louis Bory, "une part extremement vivante de la vie", ça c'etait bien envoyé.

Kristell a dit…

Beau message: j'espère que tu seras écouté et que tous ceux qui sont victimes de cette non indifférence seront entendus.Nous sommes tous à un moment de notre vie "différents" et le regard des autres à ce moment là fait toujours aussi mal. Merci pour ton message.

Chris & Kris a dit…

Beau message: j'espère que tu seras écouté et que tous ceux qui sont victimes de cette non indifférence seront également entendus. Nous sommes tous un jour "différent" et le regard des autres peut alors faire très mal. Merci pour ton message.
Kristell

Stéphane DELATTRE a dit…

Je suis content pour toi !!! Je t'embrasse et continuons de lutter contre l'homophobie, les discriminations et les cons !!!

Elisa a dit…

Magnifique. Il y a encore quelques années, ce texte m'aurait mis une belle claque. Aujourd'hui, j'applaudis et c'est grâce à des mecs comme toi, alors moi aussi je dis MERCI !!

Alex a dit…

très bien écrit comme toujours mais au delà de la forme pure, un fond touchant et tellement simple au final. Bien qu'indifférente à la différence (dans le bon sens du terme) je continuerai à aiguiser mon fameux Gaydar en espérant t'en faire profiter lors de futures soirées ;-)

geju a dit…

Le neuro-endocrinologue jacques Balthazart vient de publier aux éditions Mardaga le résultat de 35 ans de travaux avec une équipe de l'université de Liège. L'homo est innée, démonstration scientifique à l'appui ce qui rend caduque les concepts moraux dits de contre-nature. Il n'y a pas de pathologie, des facteurs génétiques et hormonaux sont déterminants. On ne choisit pas.
A faire savoir.