Valse avec Bachir : le choc
Il fait beau, il fait chaud, et moi j'ai des envies de cinéma comme jamais. Et si les prochains films que je vois valent celui-ci, il y a des chances que les critiques publiées se multiplient ici-bas, malgré leur intérêt relatif.
Bref, je vous en prie : si vous n'êtes pas du genre "ciné illimité", et que la Fête du Cinéma revêt encore pour vous quelque signification, courez, courez mes amis, allez voir Valse avec Bachir !
(Il serait en fait même de bon aloi que vous agissiez de la sorte quoi qu'il arrive, fête du cinoche ou pas, carte illimitée ou pas...)
Ce film est donc "de l'avis général", "le grand oublié de Cannes" cette année. A présent que je l'ai vu, je confirme. Mais à la limite on s'en fout.
Il s'agit d'un documentaire animé. Le principe est pour le coup novateur et audacieux.
Ari Folman, le réalisateur, est un Israélien qui a combattu au Liban dans les années 1980 mais, cynisme et méandres troubles de la mémoire, il ne garde aucun souvenir de ces années de combats. Lorsqu'un ami lui fait part de la récurrence d'un cauchemar lié à sa propre expérience de la guerre, Folman décide de retrouver ses camarades de l'époque pour qu'ils lui racontent ce qu'ils ont vécu ensemble, et qu'il puisse à son tour, enfin, se souvenir.
L'animation permet alors de nous montrer ses hallucinations, ses rêves, ses bribes de mémoire qui lui reviennent peu à peu (ce qui serait bien évidemment impossible via un documentaire en prises de vue réelles, qui se contenterait des témoignages actuels et du visage des interviewés.)
Et quelle animation ! Esthétiquement, le film est sublime. Ce que renforce la poignante musique de Max Richter, tantôt rock tantôt classique, qui nous prend aux tripes.
La scène d'ouverture et ses vingt-six chiens enragés pose ainsi le ton d'emblée, nous clouant littéralement à notre fauteuil.
1h27 intense et brutale durant laquelle, sans manichéisme aucun, ni morale assénée, simplement par la simplicité des témoignages et leur mise en image poétique, le message anti-guerre prend toute sa force et son ampleur. Pas question ici de faire de la politique; juste de montrer sans ambages ce qu'est la guerre, parfois avec le sourire, souvent la gorge nouée face à l'horreur. Le processus est fascinant : devant tant d'intelligence et de profondeur, on s'incline.
Le point d'orgue du film, c'est sa fin, qui culmine avec le massacre de Sabra et Chatila, prenant alors, et pour cause, la dimension la plus réaliste et bouleversante qui soit : Folman ôte aux spectateurs leur masque animé. Pour reprendre le discours du film, les pur-sangs arabes sont massacrés, d'une cruauté sans justification aucune : face au désarroi, nous rentrons, au-delà du film et de l'intimité de son réalisateur, dans la dure histoire des hommes.
Non sans émotion : les larmes coulent, toutes seules.
Cette valse macabre magistrale est un chef-d'oeuvre du cinéma, une claque dans ta gueule et dans la mienne, dont la force résonne (et raisonne) longtemps après sa vision, et dont le paradoxe est de donner, avec ses dessins et ses couleurs, beaucoup d'espoir.
1 commentaire:
Film magistral, Cannes scandaleuse.
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