mercredi 2 juillet 2008

Consternant

J'aurais aimé répondre moi aussi sur LeMonde.fr, mais n'étant pas abonné au site cette liberté ne m'est pas offerte. Alors utilisons ce blog pour faire valoir notre "droit de réponse".


Il s'agit d'un article du Monde donc, relayé par Matorif et que j'avais découvert dans l'édition papier du célèbre quotidien. "J'avais jamais vu un homosexuel" est un reportage d'Anne Chemin, qui a suivi une militante du MAG (Mouvement d'affirmation des jeunes gais, lesbiennes, bi et trans), Alice Guéna, lors d'une intervention dans un lycée professionnel visant à aborder le sujet de l'homosexualité avec les élèves. Faisant preuve d'un grand sens de la pédagogie, la jeune femme laisse le dialogue se mettre en place peu à peu, sans jamais moraliser ni asséner quoi que ce soit aux ados. D'eux-mêmes ils se rendent compte de leurs contradictions et de leurs préjugés. Parfois non, mais Alice Guéna estime alors que d'avoir fissuré le verre de l'homophobie permettra peut-être mieux de le briser totalement la prochaine fois, ou la suivante... "Patience et longueur de temps" donc, comme dirait l'autre.
Toujours est-il que je trouve cette jeune femme courageuse, et son travail remarquable, pour instaurer le dialogue, sortir les jeunes homos des souffrances qu'ils peuvent éprouver en milieu scolaire, et combattre tout en finesse et intelligence les prémices de l'homophobie, avant qu'il ne soit "trop tard".

La raison de ce billet ici-bas est liée à la virulence de certains propos échangés entre des lecteurs (abonnés donc) en réaction à l'article. Je crois que je suis d'autant plus choqué que je ne m'attendais pas à les trouver à cet endroit, tout naïf que je suis de croire que Le Monde n'est lu que par des gens tolérants et intelligents.
Parce que non, pour moi, demander aux homos qu'ils "laissent les autres conduire leur vie, merci pour nous tous", évoquer l'état de nature ("la vie c'est la procréation") ou, presque le pire quelque part, dénoncer cette intervention en milieu scolaire comme étant de la "propagande" et du "prosélytisme", c'est tout sauf de la tolérance et de l'intelligence.

Enfin, pitié, qu'on cesse une bonne fois pour toutes d'assimiler l'homosexualité (ou toute autre forme de sexualité) à un choix. Elle est une construction socio-culturelle, peut-être influencée par quelque mystérieuse explication scientifique à laquelle je ne me risquerai pas - mais enfin jusqu'à présent, comme le reprend un lecteur, nicolas r., personne ne s'est levé le matin en décidant, de son libre-arbitre, qu'il allait être hétéro ou homo.
La notion de choix intervient plus tard, dans le mode de vie, l'acceptation ou non de sa propre personne... et le regard des autres, évidemment.

Je me gausse aussi de XF et de cette "contrainte sociale" que nous ne devrions pas imposer selon lui. Certes, et j'ai d'ailleurs déjà dit sur ce blog toute la gêne que je ressentais face à trop de communautarisme - pourtant une mise en exergue des problèmes auxquels nous sommes confrontés me semble nécessaire lorsqu'en l'an de grâce 2008 la deuxième partie de notre belle devise n'est pas appliquée, comme le rappelle Adeline. Egaliquoi ? Chacun prêche du coup pour sa belle chapelle : on ne défend rien de mieux que ce qui nous touche après tout.

Sur le fond même, beaucoup critiquent en fait l'intervention d'Alice Guéna en tant que telle, évoquant ce que doivent être éducation et enseignement aujourd'hui... Sic.
Oliv cite Montaigne : "Eduquer ce n'est pas remplir des vases mais allumer des feux."
Ce que je suis d'accord ! Bien sûr que les certitudes doivent être ébranlées, d'autant plus que ces jeunes approchent de la vingtaine et achèvent de forger ce qu'ils seront véritablement au cours de leur vie et qu'il sera de plus en plus difficile de changer. "Juste à temps" en quelque sorte... Et cet ébranlement ne les déconstruira pas, non, bien au contraire.
A l'instar de la lutte contre le racisme, il me paraît simplement évident que la lutte contre l'homophobie a toute sa place à l'école.
Chtit47 insiste, la sensibilisation de la jeunesse est primordiale, non seulement pour limiter les risques d'homophobie bien sûr, mais aussi pour éviter une "ghettoïsation gay" à la sortie du lycée, après une adolescence douloureuse. Plus d'acceptation sociale égale moins de communautarisme Mesdames et Messieurs les pourfendeurs de gay pride !
Marie M. précise par ailleurs que "c'est en laissant cette discussion uniquement au sein des familles qu'on arrive à ce genre de jugement sur la faiblesse des homosexuels. Un gamin de huit ans répète ce qu'a dit papa à propos de l'homo du coin. Et papa a dit que l'homo du coin était une tapette."
Quant à elodie s., elle invite ces charmants commentateurs à rouvrir leur dictionnaire : "Prosélytisme : "Zèle pour recruter de nouveaux adeptes". Qu'on m'explique en quoi discuter des idées reçues liées à l'homosexualité s'apparente à un quelconque recrutement."
Qu'on m'explique à moi aussi...

Bref, je ne m'étendrai pas davantage, à l'instar de ceux-ci d'autres lecteurs ont heureusement déjà réagi à ces propos écoeurants - je tenais juste à évacuer ce qui bouillait en moi depuis la lecture de ces commentaires.
Je vous la recommande d'ailleurs fortement, cette lecture, et rapidement (je crains que par un subterfuge mondesque.fr la page ne soit bientôt plus accessible "librement"), et intégralement (les cinq pages se parcourent vite, ne vous inquiétez pas), et chronologiquement (on commence par la page 5)... Allez, lisez !

Je comprends que ce qu'on ne connaît pas fasse peur, c'est la base de notre fonctionnement, mais redescendons sur terre, nous sommes au XXIème siècle que diable ! C'est sans doute très difficile à admettre pour d'autres générations, mais il ne faut pas toujours chercher à comprendre ou expliquer, certaines choses sont ce qu'elles sont.
Et ce n'est vraiment pas grave, en l'occurrence.

Qu'on ne me parle pas de propagande avec ce billet.
Encore moins de communautarisme, je vous en prie.
On réfléchit, et on en reparle, d'accord ?

MCR aura le mot de la fin : "L'école est faite pour enseigner. Enseigner entre autres que l'homosexualité n'est  pas un choix, mais un état. Ces interventions sont donc parfaitement à leur place à l'école. Il me semble d'ailleurs que beaucoup de lecteurs du Monde devraient y retourner. "

Ou pas, puisque le dernier commentaire est de philalèthe : "Je suis scandalisé par cette propagande partisane au sein des écoles. Il y a des approches sociologiques, littéraires, scientifiques de la sexualité que les enseignants sont parfaitement capables de mener avec leurs élèves. Ici, c'est une idéologie partisane, communautariste qui utilise le biais de la "discrimination" pour répandre sa propagande avec quelques enseignants complices. C'est inacceptable."

Mes enfants, on n'en a pas fini !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

La Gay Pride a donc déjà le mérite de faire parler la presse une fois par an au sujet des homos. Et ces réactions nous rappellent à quel point notre "statut" est précaire. Pas étonnant de réaliser qu'on était encore hors la loi il y a un peu plus de 25 ans.

Anonyme a dit…

Je suis abonné en ligne au Monde et je peux donc répondre à ta place. Souhaites-tu que je laisse un commentaire à ta place ? Attention : nous sommes limités à 500 caractères par commentaire (ce qui est ridicule).

Unknown a dit…

j'avais déjà constaté sur d'autres sujet que, hélas, les réactions des lecteurs du monde.fr (sont-ils d'ailleurs les mêmes que ceux de l'édition papier ?) frôlaient parfois le degré nul de la réflexion.. comme sur les autres sites d'infos bien sûr.. plus gênant, ces missives sont très souvent anonymes, donc inutiles, et renvoient à des méthodes plus que douteuses.. vigilance, donc !

Delenda Lavingtaine a dit…

Les commentaires posés sur lemonde.fr, comme sur beaucoup d'autres sites, n'engagent hélas qu'une adresse IP, et ne permettent pas d'engager une vraie discussion. C'est peut-être la raison pour laquelle ces internautes manquent autant de discernement, de réflexion et de bon sens.
Je lis toutefois régulièrement ces commentaires : ils sont un excellent témoin de "l'air du temps", et du chemin qu'il reste à faire en tout point...
Point de découragement de ta part face à cette putréfaction verbale, c'est aussi pour ça que je t'aime et que je t'admire, belle plume. ;-)