mardi 16 septembre 2008

Chronique d'un gâchis annoncé

Nous nous sommes mis à table.
Tous les cinq au restaurant. Une sorte de message de bienvenue aux deux nouvelles stagiaires. Avec présentations mutuelles. Rien de plus normal.
Exactement ce qui ne s'est pas passé il y a treize semaines.
Ce sera l'un de mes arguments. Avec la cave. En à peine quarante-huit heures de stage. Je souhaite beaucoup de bonheur professionnel à ces deux jeunes recrues.
Le tarama avait un goût amer.

Les piques qui m'ont été lancées au cours du déjeuner, dans un effort sociable appréciable mais complètement artificiel, ne m'ont pas encouragé à me taire ensuite.
Je l'ai énervée pour un détail, et ce fut son excuse pour que nous n'en rajoutions pas une couche. Pour que nous ne discutions pas. J'ai insisté. J'attendais ce moment depuis trop longtemps. Je crois que je tremblais, mais mon ton était assuré.

"J'aimerais vraiment qu'on parle."
Surprise peut-être, mais je ne lui ai pas laissé beaucoup le choix.
J'ai vidé mon sac. Elle le sien. Et je crois que la discussion a pris une tournure que ni elle ni moi n'attendions. Elle si énervée par ma triste personne, et moi si fier, drapé dans un orgueil que je ne me connaissais pas, pour en découdre.
Tout s'est affaissé. Elle a été sympa, j'ai été honnête. Personne n'est évidemment blanc ou noir dans cette histoire. Mais au moins, pour une fois en trois mois, les choses ont-elles été dites telles qu'elles étaient pensées, des deux côtés. Nous n'étions ni cons ni dupes, ce fut un stage de merde. Un bon gros gâchis, pour moi qui ai perdu mon temps, pour eux qui n'en ont pas vraiment gagné.

Je n'avais pas raison partout, malgré ce que j'ai pu fanfaronner à droite à gauche tout l'été, en bon héros de mes aventures que je me décrivais. Je l'ai donc écoutée humblement. On est finalement bien peu habitué à entendre parler des aspects de sa personnalités qu'on ignore complètement. On prétend se connaître, et puis on devient blême lorsqu'on nous dit ces choses de soi qu'on ne soupçonnait pas. C'est donc très sincère que je lui ai affirmé ne pas me rendre compte de ce qu'elle me reprochait.
J'étais à mille lieues de penser dégager cette image-là. Je l'ai crue. Parce que.
Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas remis en question, ça ne peut pas me faire de mal.
Elle m'a écouté aussi, et a acquiescé. Je n'en espérais pas tant.
Rebelotte avec lui ensuite. Calmement, paisiblement. Des mots sur trois mois de non-dits les plus explicites du monde.

Je croyais pendant longtemps que le seul aspect de ma vie qui pourrait me toucher profondément serait l'aspect humain. J'en excluais le travail. J'avais donc encore beaucoup à apprendre. Le travail n'est évidemment que de l'humain, et un humain particulier encore.
J'ai assisté aujourd'hui à l'échec de relations humaines, moi qui me prétends si doué en la matière. Sans parler de mon image : je déteste faire mauvaise impression, ou laisser un souvenir périssable - c'est ainsi.

La sortie est certes pacifique, j'ai sauvé les meubles - mais oui, j'en ai pris dans la gueule. Tant mieux, sans doute.
Rien n'est jamais acquis.
Je mets fin à ce gâchis estival ce mercredi - vite, je tourne la page.

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