Myth, de Sidi Larbi Cherkaoui
L’opéra de Lille a accueilli cette semaine l’avant-dernière création du chorégraphe flamand Sidi Larbi Cherkaoui, Myth. L’occasion pour votre humble serviteur de se frotter à la danse contemporaine, un art qu’il n’avait jusque là pas vraiment eu l’occasion de côtoyer. Autant dire que nous appréhendions ; dans nos esprits craintifs, ce serait quitte ou double. A l’issue des deux heures que dure le spectacle, aucune unanimité. L’une avait détesté, l’autre admiré les prouesses physiques sans être touchée. Certains ont aimé, d’autres sont restés indifférents.
Moi, j’ai adoré. Le décor, les musiciens (l’ensemble italien moyenâgeux Micrologus), les citations de Platon ou Léonard de Vinci, cette obsession de l’ombre, de nos ombres, de nos parts d’ombre.
Les grouillements dérangeants des danseurs en noir au début, figurant des insectes menaçants. L’éclosion d’une danseuse, qui semble sortir de son propre corps nous faisant croire par ses recroquevillements et ses jeux de mains, de pieds, et de cheveux (oui !), qu’ils sont deux ou trois entremêlés là, sur le devant de la scène. L’accouchement d’une vieille mariée, qui donne vie à un jeune homme très dénudé, lequel s’emploiera ensuite à remettre en cause toute logique anatomique en avançant littéralement en position grand écart, ses pieds désarticulés comme de longues mains. L’absurde d’une mariée plus jeune cette fois, qui double sa taille grâce à deux danseurs portant très bien la robe, et tenant le pari de se mouvoir en toute cohérence l’une sur les épaules de l’autre. Les insultes qui pleuvent d’un personnage extravagant, d’abord sur une grosse dame, ensuite sur le public, enfin sur lui-même, produisant sur l’assistance un effet définitif : le rire gras, le malaise croissant, l’émotion affleurante.
L’émotion, voilà tout. Tout le résumé du spectacle tel que je l’ai perçu. Sans aucun préjugé, ignorant de toute technique ou toute histoire, je ne savais pas à quoi m’attendre et n’attendais donc rien. La fluidité et la poésie de certains pas, la violence et la gêne provoquées par d’autres, la cohérence absolue de l’ensemble et le renvoi (indispensable à mon sens dans tout art) à chacun de nous, au plus intime, ont conquis le public, nous emportant le cœur comme une bourrasque.
A tel point que j’espère cette même émotion, ces mêmes frissons, au rendez-vous lorsque nous irons voir les spectacles de Christian Rizzo, Carolyn Carlson ou Anne Teresa De Keersmaeker dans les prochaines semaines, tout séduits par la danse que nous sommes désormais.
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