Je liste donc je suis
Tout à l'heure, à l'instar d'E. il y a quelques semaines qui voulait savoir quel était mon film préféré, mon collègue V. m'a demandé de lui concocter la liste de mes "cinquante films préférés de tous les temps".
Au-delà du plaisir lié aux souvenirs et aux images qui ne manqueront pas de remonter à l'évocation de ces petits bijoux, j'ai littéralement joui de l'intérieur en entendant le mot "liste".
Car je suis un névrosé en profondeur : certains ont des tics, je suis pour ma part TOC-é de listes. A un point qui frôle l'instabilité mentale. Disons que j'ai un besoin maladif de compiler par écrit toutes les informations plus ou moins utiles qui peuvent transiter par mon petit cerveau.
J'écris "petit" délibérément dans la mesure où l'une des seules explications qui me soit venue à l'esprit sur ce comportement inquiétant est que ma mémoire défaille pour se souvenir des diverses choses auxquelles il me faut penser au quotidien (en revanche je retiens sans effort aucun la moindre date, d'anniversaire ou autre, pouvant par exemple vous narrer par le détail et de manière assez déconcertante où j'étais et ce que je faisais n'importe quel jour de ces deux dernières années. (Un grand malade, c'est ça.))
Pour en revenir aux listes, je dois bien tenir ça de ma mère, qui est du genre à griffonner partout - et ma collègue J. a par exemple un bureau recouvert dans tous les sens de petits Post-It jaunes...
Tout ça pour dire que nous devons être pléthore à avoir recours à un moment ou à un autre à la liste pour soulager notre esprit fatigué. Des livres paraissent, dont le plus fameux reste sans doute Les miscellanées de Mr. Schott; des études sérieuses indiquent que le plaisir de la liste, c'est le plaisir d'organiser, de clarifier, de ne rien oublier - puis la jouissance de rayer, raturer, déchirer, une fois la tâche accomplie.
Mais ces études précisent aussi que rien n'est inquiétant tant que le temps passé à lister n'excède pas l'heure quotidienne.
Constat alarmant : en moyenne, je suis au-delà.
Ce que je liste de la sorte ?
Oh, beaucoup de choses : de la to-do list la plus simple à la grande classique liste de courses, en passant par la liste des livres et DVD prêtés, celle des films que j'ai vus où encore celle des pays que je veux visiter.
Tout cela est compilé dans mon gros agenda noir qui-ne-me-quitte-jamais. C'est peut-être l'objet le plus intime que je possède. Je préfère perdre mon iPod ou mon téléphone plutôt que cet agenda mi-planificateur mi-journal intime fourré de listes en tout genre.
Il y a des jours où j'arrive à m'en foutre, de toutes ces listes, et où je me rends compte que je vis tout aussi bien - mais d'autres fois l'angoisse m'étreint, lorsque tout n'est pas soigneusement annoté, ou que j'omets de consigner ma pensée du moment sur le papier, et me rappelle ensuite plus tard avoir pensé à ce truc vachement important, sans pour autant parvenir à me souvenir de la nature de cette question de vie ou de mort.
Ne croyez pas pour autant qu'il n'y a pas de place laissée à l'improvisation dans ma vie - non, ça n'a rien à voir, je vous parle simplement ici d'une véritable pathologie, qui m'a l'air bien partie pour être incurable, et en excroissance d'ailleurs.
Finalement, ce qui est vraiment revigorant, c'est que je vais pouvoir rayer ce post de ma liste d'articles à rédiger pour le blog.
3 commentaires:
Je voulais des listes de films aussi (obviously...) !
Tu en as de la chance : moi je ne liste pas, je procrastine (et j'excelle).
NYC et moi-même nous languissons de votre arrivée...
les listes, ça me fout le cafard de les lire, j'ai l'impression que c'est la fin du monde et qu'il faut tout classer avant d'en finir...
bon ok je peux pas m'empêcher de faire la liste de mes films préférés chaque année...
@ Delenda > Ma chère, il n'y a heureusement (?) aucune incompatibilité entre listing et procrastination, j'en suis la preuve vivante.
(Mon Top 50 filmesque arrive par ailleurs à maturation, me laissant insatisfait)
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