Hôpital du pénis puéril
Grâce à Matoo, pour qui j'ai une pensée en ses premiers jours de nouveau job, j'ai découvert une carte améliorée du métro parisien. Et suis ainsi passé, au cours du week-end, de "Vins, ardent folklore" à "Hôpital du pénis puéril".
Oui, tout ça pour dire que dans le pâté, on a déménagé. Et que ça vaut son pesant de cacahuètes...
Nous avons traversé les Champs, migrant de la rive gauche vers la rive droite, passant d'un Président américain à un autre - je pourrais multiplier les métaphores grandguignolesques à propos de notre nouvelle adresse, mais ça n'a que peu d'intérêt.
En revanche, quelques moments forts de cette première journée en nos nouveaux locaux, c'est ça qui peut se révéler palpitant.
Ou : "de l’utilité d’un déménagement dans la reconquête de la motivation bureaucratique."
(L'on voudra déjà bien noter mon esprit corporate, avec du "nous" à toutes les sauces - merci)
Basiquement, on passe de vieux bureaux dans une sorte d'hôtel particulier tout en boiseries, moulures et plafonds hauts, à un immeuble new génération, tout en verre, lignes effilées et modernité supposée. Regroupement de tous les services du pâté en un lieu unique, ce qui justifie les six étages et les deux ascenseurs.
Ce matin, j'en emprunte un (d'ascenseur, il faut suivre) en compagnie de Numéro 1. Quelle pression... Numéro 1, on ne le voit pas beaucoup d'habitude, on le craint. Là, il sourit, Numéro 1, il est fier de ses bureaux flambant neufs, il est même là tôt en ce lundi matin, pour les apprécier, et il se fend, incroyable, d'un "bonne journée" à ma sortie de l'ascenseur au 5ème. Wow, ça fait beaucoup tout ça - sûrement un bon signe !
Arrivée au 5ème donc, on admire les finitions (ce plâtre qui tombe du plafond et ces câbles qui courent sur la moquette, des innovations architecturales qui m'échappent, sans aucun doute.)
Je remarque que mes collègues du service et moi ne sommes pas là où nous aurions dû être initialement - comprenez au même étage que les gens avec lesquels nous travaillons. Arf, ça n'est pas très utile, d'être avec les gens avec lesquels on travaille. D'autant plus qu'au final, on se retrouve avec la direction ! Après l'ascenseur avec Numéro 1, je découvre que mon bureau est encadré par ceux de Numéro 2 et Numéro 2 bis. Si ça c'est pas une promotion ! On va peut-être juste éviter de gueuler "grosse conne" dans le couloir comme on le faisait avant. Tant pis pour la communication intra-service.
En plus de nous avoir collectivement coupés de nos collègues des services adjacents, je me rends compte qu'ils me privent individuellement de mes collègues immédiats. Remarquez, je ne vois pas l'intérêt de me laisser dans le même bureau que mes deux supérieurs hiérarchiques, pour qui je travaille. A la place, je suis dans l'antichambre du bureau de Numéro 3. Ils ont définitivement dû me repérer, en trois mois; ma lèche a porté ses fruits. Rien de plus normal donc ! Je partage l'antichambre avec l'assistante directe de Numéro 3, je suis au coeur du système, à la racine des ragots les plus secrets. A tel point que je vais devoir me lever à chaque fois que Numéro 3 voudra entrer ou sortir de son bureau. C'est vrai, pourquoi lui faire une entrée directe ? Elle n'est que Numéro 3 après tout. C'est un honneur de la voir passer par chez moi (sur moi, même).
Oui, le concept de ce déménagement, c'est l'open space. Le bureau partagé. J'imaginais la world company, de grands espaces de verre et d'air, où l'harmonie régnerait entre cent coworkers impliqués et passionnés. Et bien c'est tout à fait ça. Sauf qu'ils ont pris des bureaux prévus pour une personne, mais qu'ils en mettent cinq. Pas que ça soit mal hein, non, mais se lever pour que le voisin ouvre le placard, ou sentir l'ail de midi de la voisine quand elle parle au téléphone, je ne suis pas sûr que ça fasse l'unanimité. Il y a aussi celle-ci, qui a La chevauchée des Valkyries en sonnerie de portable, volume à fond, pour "entendre quand c'est dans [son] sac". Et le DRH, qui voulait confier ça discrètement au voisin - tant pis, ce sera une conférence de presse.
Sinon, l'air et le verre sont là.
Ah mais je ne râle pas du tout ! D'abord parce qu'on n'est que deux dans "mon" bureau, au coeur du pouvoir en plus, comme je vous disais. Ma collègue est très agréable à vivre (enfin, à travailler). Et puis nous sommes les seuls à avoir une terrasse qui domine Paris (ou au moins la rue), avec du vrai soleil à midi qui réchauffe tout seul votre sandwich. Ma première pause déjeuner a donc été pour ainsi dire un délice.
Et puis ce bureau du XXIème siècle, c'est aussi un bureau "sans papier". Alors ça, moi, ça me plaît, ça fait vibrer ma fibre écologique. Du coup on scanne, on mémorise, on tape, on excellise, on worde et on e-maile à fond. Pas tellement plus que d'habitude d'ailleurs mais bon... Ces deux photocopieurs couleur géants, qu'on dirait tout droit sortis de Transformers, ne sont là que pour faire illusion. Si si. Bon du coup on a un peu peur dès qu'on sort un stylo, mais pour le moment, si ça reste discret, ça passe. Et puis pour tous ces outils sur papier, affiches, dossiers de presse, photos, cartons d'invitations... tant pis, il fallait anticiper. Et si ça ne rentre pas dans les armoires, c'est nor-mal, c'est un bureau sans-pa-pier.
Donc oui, beaucoup d'informatique à la place (c'est bien connu, avant on envoyait des lettres à ses collègues pour communiquer), et de téléphone aussi. Il serait dommage de ne pas se servir de ces combinés high-tech qui nous ont valu une séance de travail de plus d'une heure la semaine dernière, pour intégrer leur fonctionnement basique.
Aujourd'hui, on a appris qu'ils étaient reliés au réseau, pour une sombre histoire d'annuaire interne et d'adresse IP qui m'échappe quelque peu, je dois bien l'avouer. Connectés au réseau donc, soit. De toute façon ce n'est pas comme si on avait subi à peu de choses près une panne hebdomadaire dudit réseau ces derniers mois.
Du moment que la machine à café elle, n'est pas reliée au réseau.
Sauvés.
Parlons-en de la machine à café ! Je n'en ai jamais vu de telle. C'est du grand luxe. Il y a un raccourci "café" sur le clavier de votre ordinateur, et une coursive électronique qui vous amène le précieux breuvage. Ou presque. Disons que j'ai mis plus de temps à faire fonctionner ladite machine à café (Nespresso Professional ES 100 je crois) qu'à rendre mon rapport sur l'activité cinématographique de nos amis allemands récemment. Je ne sais pas si ça vous parle, mais ça veut dire beaucoup.
Bref, nouveau bureau, nouveau boulot, nouvelle vie un petit peu, vous comprenez notre extase à tous. Et encore, je n'ai pas mentionné la beauté immaculée des chiottes, la prise unique dans chaque bureau (fax ou lumière il faut choisir), l'équation insolvable fenêtre-armoire-télé, les trous dans les murs ou la climatisation bloquée en mode "canicule"...
La modernité, le renouveau... L'extase.
Ce ne sont pas tous ces supérieurs qui m'entourent qui vont me contredire.
D'ailleurs, j'ai très bien repéré l'escalier de secours qui m'évitera de passer devant leurs bureaux lorsque la masse de travail estivale m'obligera à quitter les lieux à 15h20.
Nouvelle vie, vous dis-je !