jeudi 26 juillet 2007

Cyrano le flamboyant

"Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès !
Non ! non ! c'est bien plus beau lorsque c'est inutile !"

Cyrano de Bergerac, Acte V, scène 6





Le soleil de fin d’après-midi caresse le public qui se presse sur la place Colette. La vaste foule de spectateurs s’engouffre littéralement dans la Comédie-Française. Les rayons du grand astre sont réverbérés dans les fenêtres du Louvre. Plus tard, à l’entracte, la nuit à peine tombée, nous nous bercerons aux délices de la fontaine André-Malraux, depuis le balcon extérieur du théâtre.
Jamais public n’a semblé aussi unanimement conquis.
Pour la dernière semaine de la saison, le Cyrano de Podalydès enchante le cœur de Paris, céleste et novateur chef-d’œuvre à la mise en scène et à l’interprétation flamboyantes.

Cyrano, c’est ce grand pif, ce nez gros et grotesque, ce nasal laideron qui sait pourtant causer. Ah ça oui, Cyrano, sous la fluide et imaginative plume d’Edmond Rostand, sait parler. Il illustre même très bien le cliché qui voudrait que les beaux soient sans esprit quand les laids n’ont que ça. (C’est quand même assez réducteur, j’ai déjà rencontré de magnifiques intelligents et de très vilains crétins, pour lesquels on ne peut d’ailleurs malheureusement pas faire grand-chose. Mais je m’égare…)
Dans notre histoire donc, Cyrano parle, et Christian est beau. Et tous deux sont amoureux de la même chagasse, j’ai nommé Roxane. Une petite peste de l’époque, bien comme il faut… Mais l’amour est aveugle ! Ce serait vraiment trop simple sinon. Voyant que ses chances sont réduites face au physique avantageux du minet, notre Cyrano se propose de le « compléter » - d’être sa voix, sa poésie, son esprit. Mademoiselle étant exigeante, deux talents unis pour former l’homme parfait ne seront pas de trop… Et tant pis s’il faudra un jour tomber les masques ! La période de séduction est la plus belle, la plus aérienne, la plus enivrante, la plus séduisante qui soit. Pourquoi vouloir voir au-delà ? Qu’il se concentre sur le moment présent, notre Cyrano, profitant des compliments de la belle qui ignore qu’ils ne sont en fait pas destinés au Christian en face d’elle, simple perroquet du Bergerac.
Oui mais voilà, les histoires d’amour finissent mal, la situation devient inextricable, et pour la suite, il va falloir souffrir.

Je ne dirai pas « courez voir ce spectacle », car c’est plus que complet jusqu’à la fin de la semaine. Mais ce n’est pas l’envie de vous aviser de la sorte qui me fait défaut. (Il me semble d’ailleurs qu’il est reprogrammé en fin de saison 2007/2008, à surveiller…)
Le texte est vraiment beau, terriblement moderne et d’actualité, une cascade de sublimes jeux de mots, un enchaînement de rimes colorées.
Les codes du jeu amoureux de l’époque semblent plus posés, plus artificiels mais aussi plus facilement accessibles, même à ceux qui ont un grand nez.
Lorsqu’en plus pareille œuvre est mise en scène de la sorte, avec fraîcheur et dynamisme, introspection sur le monde du théâtre et subtil équilibre entre rêve et réalité ; avec ces costumes resplendissants et ces décors vertigineusement animés ; lorsque pareille œuvre bénéficie de comédiens si impliqués qu’on n’entend plus la mécanique théâtrale mais simplement les mots qui forment des jolies phrases ; lorsque pareille œuvre est portée par un Michel Vuillermoz dont on se demande comment il a pu interpréter d’autres personnages avant ça tant il incarne à la perfection cet amoureux brisé… Quand tant de conditions sont réunies, « pareille œuvre » prend alors une autre dimension.
Celle d’un théâtre libre, tragique et attachant, inventif et poétique, à l’image de son héros, où le bonheur est impossible, mais où chacun peut aussi décider de composer, scène par scène, quelques touches qui pourraient bien y conduire. Quitte à en conserver l’illusion, cela pourrait bien permettre de vivre.

Avec panache !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je donnerais TOUT pour voir cette pièce, mais putain c'est archi blindé... :((

Je suis vraiment curieux de la prestation de Vuillermoz...

les tamaris a dit…

@ matoo : fallait être connecté sur leur site à minuit pile le jour d'ouverture de la location !!

@ arthur : j'y étais dimanche dernier et j'en suis ressorti ravi aussi

la scène du balcon était des plus réussies
tout comme les décors de chez ragueneau !!!
wahou quel spectacle !

Arthur a dit…

@ Matoo > Reprise à partir du 20 juin 2008, surveille la mise en vente des places !!

@ Matoo & Les tamaris > Voui, connexion au site à minuit pour choper les tickets.

@ Les tamaris > J'approuve énergiquement :)